Une véritable scène de désolation. C’est ce qui attend le regard du président des Naturalistes de Mayotte, Michel Charpentier, alors qu’il longe en bateau la mangrove de l’îlot Mbouzi. Le dense couvert végétal a laissé place aux racines dénudées des palétuviers, témoins silencieux du passage dévastateur du cyclone Chido sur l’archipel français le 14 décembre dernier.
Une Biodiversité Unique Mise à Mal
Mayotte, surnommée l’île aux Parfums, a vu ses emblématiques manguiers et baobabs « couchés, cassés, arrachés » selon Michel Charpentier. Le naturaliste, habitué des lieux depuis 20 ans, peine à reconnaître les paysages familiers, comme soufflés par une « déflagration ». Au centre de l’île, le spectacle est saisissant : sur des kilomètres, d’immenses arbres décapités peuplent des collines au sol noirci.
La Menace des Plantes Envahissantes
Sur l’îlot Mbouzi, les bénévoles et employés des Naturalistes s’activent pour nettoyer et dégager les sentiers pédagogiques. Si de timides bourgeons font leur apparition, Michel Charpentier reste lucide : « Ça cicatrise mais ça ne fera pas repousser les arbres tombés ». Une situation qui pourrait profiter aux plantes envahissantes selon François Beudard, directeur de l’association, qui alerte sur les risques pour les espèces indigènes et endémiques.
Le drame serait de perdre des espèces endémiques rares, qui pourraient disparaître à jamais, comme les ébènes des Comores, très représentés sur l’îlot Mbouzi.
Thani Mohamed Ibouroi, conservateur de la réserve naturelle nationale
Lémuriens et Chauves-souris en Détresse
Côté faune, les lémuriens et chauves-souris semblent avoir le plus souffert du passage de Chido. Les makis, ces primates emblématiques de l’île, seraient en grande difficulté selon Michel Charpentier. Dénutris et désorientés, beaucoup périssent sur les routes. Même constat alarmant pour les roussettes et les petites chauves-souris qui peinent à trouver gîte et nourriture.
Malgré quelques notes d’espoir, comme les majestueux pailles-en-queue toujours en activité sur certains îlots, les experts craignent une forte mortalité dans les prochaines semaines. Face à l’ampleur inédite des dégâts, Michel Charpentier confie ses doutes quant à un retour à l’identique des écosystèmes.
Un Archipel Meurtri qui se Relève
Avec au moins 39 morts et plus de 5600 blessés à Mayotte, avant de poursuivre sa route meurtrière au Mozambique et au Malawi, le cyclone Chido laisse derrière lui un lourd bilan humain. Mais c’est toute la biodiversité unique de l’archipel qui est aujourd’hui en souffrance, faisant craindre la disparition de trésors naturels inestimables.
Mayotte entame maintenant un long processus de reconstruction, où la sauvegarde de son patrimoine naturel sera un enjeu crucial. Entre nettoyage des mangroves, plantation d’espèces indigènes et surveillance accrue des écosystèmes fragilisés, le chemin sera long pour panser les plaies de l’île aux Parfums. Une mobilisation collective pour que les joyaux verts de Mayotte puissent continuer de briller pour les générations futures.