Depuis plusieurs semaines, de violents tremblements de terre secouent l’Éthiopie, plongeant des dizaines de milliers de personnes dans une situation humanitaire critique. Fuyant leurs maisons détruites par les séismes, ces déplacés tentent de survivre dans des camps de fortune, confrontés à de graves pénuries. Zoom sur leur quotidien bouleversé.
Un Exode Massif Suite aux Séismes
Fin décembre, lorsque la terre s’est mise à trembler dans la région Afar, au nord-est de l’Éthiopie, c’est toute une population qui a basculé dans le chaos. Face à l’intensité des secousses, atteignant une magnitude de 5,8 sur l’échelle de Richter, les habitants ont dû fuir dans la panique. Moussa Akele, père de cinq enfants, témoigne :
Cela a provoqué une panique générale et a détruit nos maisons. Les gens étaient terrifiés.
Moussa Akele, déplacé
Comme lui, ils sont aujourd’hui plus de 60 000 à avoir tout laissé derrière eux, sur ordre des autorités, craignant la rupture d’un barrage et l’éruption du volcan Dofan. Un exode massif et précipité vers des zones plus sûres, à une vingtaine de kilomètres.
Une Activité Sismique Intense dans la Vallée du Rift
Située le long de la vallée du Rift, une des régions les plus sismiques au monde, l’Éthiopie est régulièrement secouée par des tremblements de terre. Ces derniers mois, l’activité s’est particulièrement intensifiée dans les régions rurales Afar et Oromia. Selon les experts, un phénomène géologique majeur est en cours :
Il y a une propagation du magma sous la croûte terrestre, entre 0 et 15 kilomètres. Il se propage dans une grande fissure, d’environ 50 kilomètres.
Cécile Doubre, sismologue spécialiste de l’Afar
Si aucune éruption volcanique n’a encore eu lieu, les séismes à répétition ont déjà fait d’importants dégâts. Routes fissurées, bâtiments effondrés… La région porte les stigmates de ces secousses dévastatrices.
Le Difficile Quotidien dans les Camps de Déplacés
Dans les camps qui ont surgi au milieu d’une végétation aride, les milliers de déplacés tentent de s’organiser comme ils peuvent. Sous des tentes de fortune, exposés à un soleil de plomb et à la poussière, ils font face à de terribles conditions de vie. Le plus urgent : avoir accès à l’eau et à la nourriture.
Malgré l’arrivée ponctuelle de camions humanitaires, les distributions sont largement insuffisantes pour subvenir aux besoins de tous. Moussa Akele décrit de « graves pénuries d’eau ». Devant les rares citernes, des files d’attente interminables se forment, femmes et enfants brandissant désespérément leurs jerricans.
Pour ces populations principalement issues de communautés pastorales, qui ont dû abandonner leurs troupeaux, le dénuement est total. « Nous avons été évacués de notre vie agréable et paisible et vivons maintenant en mode survie », se désole Moussa Akele, lui-même contraint de quitter son emploi à l’usine de sucre partiellement détruite.
Des Risques Sanitaires Préoccupants
Dans ces conditions de promiscuité et de pénuries, l’urgence est aussi sanitaire. Des centres de santé de fortune ont été installés par les autorités locales pour tenter de prendre en charge les déplacés. Abokar Hassan, responsable médical, voit défiler chaque jour entre 200 et 300 patients. Sa hantise ? L’apparition d’une épidémie de choléra.
Malgré les efforts déployés, les moyens manquent cruellement. L’aide des organisations internationales comme l’Unicef ou l’OMS devient indispensable pour éviter une catastrophe humanitaire. Car pour l’heure, comme le résume Assea Ali, jeune mère de 26 ans : « C’est comme cela que nous vivons désormais, je suis sans espoir ».
Face à l’ampleur des dégâts et au nombre de déplacés, l’Éthiopie fait aujourd’hui face à une crise majeure. Si les séismes venaient à se poursuivre, provoquant rupture de barrage ou éruption volcanique, le pays pourrait basculer dans une véritable tragédie humanitaire. Un défi immense pour ce pays de la Corne de l’Afrique, qui doit composer avec les caprices meurtriers de sa géologie.