Entre le président argentin Javier Milei et son homologue américain Donald Trump, les marques d’affection ne manquent pas. Éloges mutuels, accolades chaleureuses, affinités idéologiques revendiquées : tout semble réunir ces deux dirigeants depuis l’arrivée au pouvoir de Milei il y a un an. Pourtant, au-delà des apparences, les contours de leur alliance restent flous et ses bénéfices pour l’Argentine incertains.
Une idylle idéologique proclamée
Sur la scène internationale, Milei et Trump ne cachent pas leur admiration réciproque. Pour le dirigeant argentin, adepte d’un ultralibéralisme décomplexé, ils forment le duo « le plus important de la planète Terre ». Unis par leurs idées sur la liberté, la dérégulation ou leur opposition au « wokisme », ils s’affichent comme les fers de lance d’une « internationale de droite ».
Leur fascination commune pour Elon Musk, le milliardaire patron de Tesla et Twitter, renforce cette connivence. Milei, qui courtise assidûment l’entrepreneur pour l’inciter à investir en Argentine, le considère comme un « Thomas Edison du 21e siècle ». Une référence partagée par Trump qui a chargé Musk d’une commission sur « l’efficacité gouvernementale ».
Une Argentine alignée sur Washington ?
Selon les experts, cette idylle devrait se traduire par un alignement prononcé de Buenos Aires sur les priorités américaines. « L’Argentine sera très alignée sur les États-Unis, tant au niveau mondial que régional », prédit Ariel Gonzalez Levaggi, du Conseil argentin pour les Relations internationales. Pour Benjamin Gedan, du Wilson Center, « Milei s’est imposé comme un des alliés étrangers les plus importants de Trump ».
Cependant, certains nuancent l’importance réelle de cette alliance pour Washington. D’après Jorge Argüello, ex-ambassadeur argentin aux États-Unis, l’intérêt américain pour l’Argentine et l’Amérique latine ne s’éveille que lorsque des acteurs extérieurs comme la Chine ou la Russie sont présents dans la région.
Le poids de la Chine
Justement, Milei devra aussi composer avec Pékin, un partenaire clé pour l’Argentine. Deuxième partenaire commercial du pays après le Brésil, la Chine a récemment prolongé un accord de swap de devises crucial pour les réserves de change argentines. Le pragmatisme pourrait donc primer sur la rhétorique enflammée du président argentin, comme l’illustre sa rencontre avec Xi Jinping en marge du G20.
En outre, la capacité d’investissement chinoise en infrastructures dépasse largement celle des États-Unis, comme l’a montré le récent mégaport financé par Pékin au Pérou. Un atout de poids dans les négociations.
Des bénéfices incertains pour l’Argentine
Au-delà des effusions, les avantages concrets d’un alignement systématique sur Washington divisent les analystes. Certains évoquent une possible indulgence du FMI, auquel l’Argentine rembourse un prêt record. Mais un nouvel accord ou prêt semble peu probable.
D’autant que Mauricio Claver-Carone, nommé par Trump au Département d’État pour l’Amérique latine, s’est montré critique envers la gestion de Milei par le passé. Miser sur un lobbying de Trump pour obtenir davantage de fonds du FMI serait selon lui « une illusion » et « une perte de temps ».
Des divergences notables
Par ailleurs, malgré leurs affinités, Trump et Milei ont aussi des différences marquées. Sur l’immigration, enjeu central pour Trump mais pas pour Milei. Ou sur le commerce : le premier est un protectionniste convaincu quand le second défend une économie ouverte.
Dans ce contexte, Milei pourrait se trouver fort déçu si Trump impose de nouveaux droits de douane au monde entier, y compris sur les exportations argentines.
– Claudio Loser, ex-responsable Hémisphère occidental du FMI
Un accord de libre-échange bilatéral pourrait voir le jour mais pas à court terme, tempère-t-il. Preuve que derrière l’idylle affichée, l’épreuve des actes sera décisive. L’avenir dira si l’attirance politique mutuelle se muera en une alliance solide et fructueuse pour l’Argentine. Une romance à l’épreuve du temps et des intérêts de chacun.