Un nouveau front s’ouvre dans la bataille judiciaire autour de la régulation des contenus sur Internet. Cette fois, c’est une loi de l’État du Texas exigeant la vérification de l’âge des utilisateurs de sites pornographiques qui est dans le viseur de la Cour suprême des États-Unis. Au cœur de ce débat houleux : la liberté d’expression face à la protection des mineurs dans l’ère numérique.
Une loi texane au cœur de la controverse
Adoptée en 2023, la législation texane impose aux sites web dont au moins un tiers du contenu est jugé « nuisible pour les mineurs » de mettre en place un système de vérification de l’âge des internautes. Pour accéder à ces plateformes, les adultes devraient ainsi fournir des données personnelles prouvant leur majorité.
Mais cette mesure ne fait pas l’unanimité. Des associations représentant l’industrie pornographique ont contesté la loi, invoquant le Premier amendement de la Constitution qui garantit la liberté d’expression. Un juge fédéral leur avait donné raison dans un premier temps, suspendant l’application des dispositions les plus controversées. Cependant, une cour d’appel ultraconservatrice a annulé cette décision en mars 2024, relançant le débat.
Des failles pointées du doigt
Les détracteurs de la loi texane soulignent ses limites et ses incohérences. Ils dénoncent notamment son champ d’application trop large, alors même que les principaux vecteurs d’exposition des mineurs à la pornographie comme les moteurs de recherche et les réseaux sociaux ne sont pas concernés.
Au prétexte que les plaignants ont déplacé leur activité vers la Toile, ils affirment que le Premier amendement protège leur droit à distribuer une quantité inépuisable d’obscénité à tout enfant muni d’un smartphone.
Les autorités conservatrices du Texas
De son côté, l’État conservateur assume sa position. Selon lui, il ne s’agit que de demander aux sites pour adultes de prendre des « mesures commerciales raisonnables » afin de s’assurer que leurs utilisateurs sont bien majeurs. Le Texas estime également qu’une grande partie des contenus visés est « obscène même pour des adultes » et ne peut donc se prévaloir de la protection du Premier amendement.
L’administration Biden cherche un compromis
Prudente sur ce sujet sensible, l’administration démocrate a demandé à la Cour suprême de renvoyer le dossier devant la cour d’appel afin que celle-ci définisse des procédures de vérification de l’âge plus ciblées. Une tentative de concilier protection de l’enfance et libertés individuelles.
Cette stratégie suffira-t-elle à convaincre les neuf juges, à majorité conservatrice ? Réponse attendue d’ici fin juin, lorsque la haute juridiction rendra sa décision. Celle-ci pourrait faire jurisprudence et influencer les débats sur la régulation d’Internet bien au-delà des frontières du Texas.
Un débat qui dépasse les frontières
Car la question de l’accès des mineurs à la pornographie en ligne préoccupe de nombreux pays. La France a ainsi récemment adopté une législation imposant aux sites X de mettre en place un contrôle de l’âge des internautes, via l’envoi d’une pièce d’identité par exemple.
Une méthode qui doit néanmoins respecter un certain anonymat : il s’agit de prouver sa majorité sans dévoiler son identité. Un équilibre délicat à trouver, alors que le débat continue de faire rage entre partisans d’une régulation accrue et défenseurs de la liberté sur Internet. L’affaire examinée par la Cour suprême pourrait bien faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre.