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Meta Maintient son Programme de Fact-checking au Brésil

Meta affirme que son programme de fact-checking ne sera suspendu qu'aux États-Unis "pour le moment". Le Brésil craint un "Far West numérique" et exige des explications. Découvrez les tensions entre Meta et le gouvernement brésilien autour de la modération des contenus en ligne.

Face aux inquiétudes suscitées par l’annonce de la fin de son programme de fact-checking aux États-Unis, Meta s’est efforcé de rassurer le gouvernement brésilien. Selon une source proche du dossier, le géant des réseaux sociaux aurait affirmé que cette décision ne concernerait « pour le moment » que le territoire américain. Une réponse qui peine toutefois à convaincre les autorités brésiliennes, craignant de voir émerger un véritable « Far West numérique ».

Meta sous pression au Brésil

Sommé de s’expliquer sous 72 heures par le gouvernement brésilien, Meta a finalement répondu dans les temps impartis. Dans un document publié par le bureau de l’Avocat général de l’Union (AGU), l’entreprise détaille sa stratégie de modération des contenus. Elle indique notamment que son nouveau système, basé sur des notes de contexte à la manière du réseau social X (ex-Twitter), sera d’abord « testé » aux États-Unis avant d’envisager une éventuelle extension à d’autres pays.

Meta affirme chercher « l’équilibre idéal entre la liberté d’expression et la sécurité », se disant « engagée dans la protection des droits humains ». L’entreprise promet de continuer à supprimer les contenus incitant à la violence ou menaçant la sécurité publique. Des arguments qui peinent cependant à convaincre le gouvernement brésilien.

Un pays ultra-connecté et vulnérable à la désinformation

Au Brésil, pays de plus de 200 millions d’habitants ultra-connectés, la question de la modération des contenus en ligne est particulièrement sensible. Selon un rapport récent, près de 8 Brésiliens sur 10 utilisent quotidiennement les réseaux sociaux, s’exposant ainsi à un risque accru de désinformation.

Les changements communiqués par Meta ne sont pas en adéquation avec la loi brésilienne et ne protègent pas suffisamment les droits fondamentaux des usagers.

AGU dans un communiqué

L’AGU fait part de sa « grave préoccupation » quant à certains aspects de la réponse de Meta, notamment la confirmation de l’application au Brésil des changements de politique de modération des discours de haine. La dernière version des règles de la communauté de Meta autorise en effet les allégations de « maladie mentale ou d’anormalité » fondées sur le genre ou l’orientation sexuelle, suscitant l’indignation des défenseurs des droits humains.

Le spectre du « Far West numérique »

Pour Sidonio Palmeira, nouveau ministre brésilien de la Communication, les mesures annoncées par Meta sont « mauvaises car elles portent atteinte aux droits fondamentaux et à la souveraineté nationale, donnant lieu à un Far West numérique ». Il dénonce un détournement du concept de liberté d’expression par les extrémistes « pour favoriser la liberté de manipulation et d’agression ».

Face à ces vives critiques, l’AGU a annoncé l’organisation d’une audience publique réunissant instances gouvernementales et représentants de la société civile. L’objectif : débattre des enjeux liés aux réseaux sociaux et tenter de trouver un terrain d’entente avec les géants du numérique.

Inquiétudes pour la démocratie brésilienne

Au-delà des craintes pour les droits humains, c’est bien la stabilité démocratique du Brésil qui est en jeu. Le pays a connu ces dernières années une vague de désinformation sans précédent, attisée par l’ex-président d’extrême droite Jair Bolsonaro. Condamné à 8 ans d’inéligibilité pour avoir disséminé de fausses informations sur le système de vote électronique, Bolsonaro et ses partisans voient d’un bon œil l’assouplissement des règles de modération annoncé par Meta et X.

Le gouvernement du président de gauche Lula, élu en 2022, entend pour sa part lutter avec fermeté contre la désinformation. En 2021, la Cour suprême avait ainsi ordonné la suspension de X pendant 40 jours pour non-respect d’injonctions liées à la lutte contre les fausses informations. Un avertissement qui résonne aujourd’hui avec une acuité particulière pour Meta et les autres géants des réseaux sociaux.

L’avenir incertain du fact-checking

Si Meta affirme pour l’heure maintenir son programme de fact-checking au Brésil, l’entreprise reste évasive sur ses intentions à long terme. Mark Zuckerberg, PDG de Meta, a justifié la suspension du dispositif aux États-Unis par une volonté de « restaurer la liberté d’expression ». Une décision largement perçue comme un moyen de contenter le camp de Trump et Bolsonaro, très critiques de la politique de modération de Meta ces dernières années.

Dans ce contexte, l’avenir du fact-checking sur les réseaux sociaux apparaît plus que jamais incertain. Entre impératifs économiques et pressions politiques, les géants du numérique naviguent en eaux troubles. Au Brésil comme ailleurs, les défenseurs de la démocratie et des droits humains restent mobilisés pour éviter que ne s’installe durablement un « Far West numérique » où triompherait la loi du plus fort et du plus bruyant.

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