La fin annoncée du programme de fact-checking de Meta au Brésil ne passe pas inaperçue. Le bureau de l’Avocat général de l’Union (AGU), chargé de défendre l’État brésilien, a sommé le groupe de Mark Zuckerberg de s’expliquer sous 72 heures, sous peine de « mesures légales ». Un document de réponse a été transmis in extremis dans la nuit de lundi à mardi.
Cette réponse tant attendue sera analysée ce mardi lors d’une réunion technique, en présence de représentants des ministères de la Justice, des Droits Humains et des services de communication de la présidence. L’enjeu : comprendre l’impact de ce revirement pour les millions d’utilisateurs brésiliens des plateformes de Meta comme Facebook, Instagram et WhatsApp.
Un débat de fond sur la liberté d’expression
La décision de Meta de mettre fin à son programme de vérification des faits aux États-Unis, pour le remplacer par un système de notes de contexte similaire à celui de X (ex-Twitter), a été justifiée par Mark Zuckerberg par une volonté de « restaurer l’expression libre ». Mais dans un pays comme le Brésil, ultra-connecté et très exposé à la désinformation, cette approche soulève de vives inquiétudes.
Le spectre des fake news plane sur ce débat. L’an dernier, la Cour suprême avait déjà suspendu Twitter pendant 40 jours pour non-respect d’ordres judiciaires liés à la lutte contre la désinformation. Les autorités craignent qu’un recul du fact-checking n’ouvre grand la porte aux infox et ne déstabilise le débat démocratique.
Un enjeu de crédibilité pour Meta
Pour Meta, l’enjeu est aussi celui de sa crédibilité et de sa responsabilité en tant que géant des réseaux sociaux. Son programme de fact-checking, auquel participent plus de 80 médias dans le monde dont l’AFP, est un pilier de sa stratégie pour endiguer la propagation de fausses nouvelles.
Nous allons procéder à une analyse minutieuse du contenu de la réponse de Meta (…) pour comprendre l’impact des changements dans la vie des Brésiliens.
Jorge Messias, Avocat général de l’Union
Un désengagement soudain pourrait être perçu comme un manque de considération pour ses utilisateurs et pour les dommages potentiels de la désinformation. D’autant qu’avec plus de 100 millions d’utilisateurs actifs, le Brésil est un marché clé pour le groupe.
Les autorités en alerte
Face à ces enjeux, les autorités brésiliennes se montrent particulièrement vigilantes. L’AGU a rappelé à Meta ses responsabilités et n’hésitera pas à prendre des mesures légales si nécessaire. Une façon de montrer que la lutte contre la désinformation est une priorité et que le laxisme n’est pas une option.
Cette fermeté s’inscrit dans un contexte politique tendu, encore marqué par les attaques contre les institutions démocratiques fomentées via les réseaux sociaux. Le nouveau gouvernement de Lula entend bien reprendre la main et ne pas laisser le champ libre aux fake news.
Un avenir incertain pour le fact-checking
Au-delà du cas brésilien, c’est l’avenir même du fact-checking qui est en question. Si un acteur majeur comme Meta réduit son engagement, cela pourrait créer un effet domino et fragiliser tout l’écosystème de la vérification de l’information.
Pourtant, dans un monde digital où les infox prolifèrent à grande vitesse, le fact-checking apparaît plus que jamais comme un rempart essentiel pour préserver le débat public et la confiance des citoyens dans l’information. Un défi de taille qui nécessite l’implication de tous les acteurs, plateformes tech en tête.
La réponse de Meta est donc attendue avec impatience et sera scrutée de près. Au-delà des explications techniques, c’est une vision de la responsabilité des réseaux sociaux qui est en jeu. Le Brésil, de par son poids et son exposition au problème, pourrait bien donner le ton d’un débat mondial.