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Le Burkina Faso Dénonce Les Propos Controversés de Macron

Les propos d'Emmanuel Macron qualifiant les Africains d'ingrats provoquent l'ire du Burkina Faso. Le président Traoré exige le départ des troupes françaises et appelle l'Afrique à s'émanciper. Un tournant décisif dans les relations franco-africaines se profile...

Le torchon brûle entre la France et ses anciennes colonies africaines. Les récents propos d’Emmanuel Macron, fustigeant « l’ingratitude » de certains pays du continent vis-à-vis de l’engagement militaire français, ont mis le feu aux poudres. Au Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, à la tête de la junte militaire depuis septembre 2022, a vivement réagi. Selon lui, le président français a « insulté tous les Africains », prouvant le peu de considération qu’il leur porte.

Un désamour croissant envers la France

Les relations se sont nettement dégradées ces derniers mois entre Paris et Ouagadougou. Le Burkina Faso, à l’instar du Mali et du Niger, deux autres pays sahéliens dirigés par des putschistes, a exigé et obtenu le départ des forces françaises de son territoire en 2022-2023. Un revers cinglant pour l’opération Barkhane, censée combattre les groupes jihadistes dans la région.

Ce rejet de la présence militaire française s’accompagne d’un rapprochement assumé avec la Russie. Moscou gagne en influence dans plusieurs pays africains, au grand dam des chancelleries occidentales qui y voient une manœuvre néocoloniale. Mais pour les nouvelles autorités burkinabè, il s’agit avant tout d’affirmer leur souveraineté et de diversifier leurs partenariats.

Le départ précipité des troupes françaises

Face à cette hostilité grandissante, la France a dû revoir sa stratégie. Dès novembre 2022, le Tchad et le Sénégal, pourtant alliés de longue date, ont emboîté le pas au Burkina Faso. N’Djamena a dénoncé l’accord de coopération militaire et exigé le retrait des soldats français d’ici fin janvier. Dakar a également demandé la fermeture des bases françaises, sans toutefois fixer d’échéance.

Un camouflet pour Paris, qui perd ses derniers points d’appui au Sahel. Seule la base militaire de Djibouti, avec ses 1500 hommes, reste un bastion français sur le continent. Les accords de défense y ont été renouvelés en juillet 2024 pour 10 ans supplémentaires.

Des propos qui passent mal

C’est dans ce contexte déjà tendu qu’Emmanuel Macron a prononcé des paroles jugées méprisantes par de nombreux dirigeants africains. Outre « l’ingratitude » des pays bénéficiant du soutien militaire français, il a affirmé que Paris leur avait « concédé par politesse la primauté de l’annonce » concernant le redéploiement de ses troupes.

Des déclarations qui ont suscité l’ire des présidents tchadien et sénégalais. Mahamat Idriss Déby Itno a fustigé des propos « frisant le mépris » et estimé que Macron « se trompe d’époque ». Ousmane Sonko, son homologue sénégalais, a dénoncé des affirmations « totalement erronées », rappelant que la décision de son pays découlait de sa seule volonté souveraine.

Un « réveil » africain ?

Pour le capitaine Traoré, il est grand temps que « les Africains se réveillent » et œuvrent à leur indépendance. « Il faut décoloniser les mentalités », a-t-il martelé, appelant à une véritable « rupture » avec les « forces impérialistes » en dénonçant les accords de coopération.

Un discours qui trouve un écho favorable auprès d’une partie de la jeunesse et des élites africaines, lasses des ingérences étrangères et aspirant à plus d’autodétermination. La question de la souveraineté économique et monétaire est également au cœur des revendications, avec des appels à se défaire du « franc CFA », perçu comme un vestige de la tutelle française.

Vers une redéfinition des relations franco-africaines ?

Les vives réactions suscitées par les propos d’Emmanuel Macron témoignent d’un profond malaise dans les relations entre la France et ses anciennes colonies. Paris peine à se défaire de son image de puissance néocoloniale, soucieuse avant tout de préserver ses intérêts géostratégiques et économiques.

Pour sortir de cette crise de confiance, un aggiornamento de la politique africaine de la France semble inévitable. Cela passe par un dialogue renforcé avec les dirigeants et la société civile du continent, dans le respect de leur souveraineté et de leurs aspirations. Il s’agit aussi de repenser les modalités de la coopération, en mettant l’accent sur les partenariats équilibrés et les projets de développement co-construits.

La montée en puissance de nouveaux acteurs, comme la Chine ou la Russie, oblige par ailleurs la France à se repositionner. Plutôt que de s’arc-bouter sur son pré carré, Paris aurait intérêt à jouer la carte de la complémentarité et du multilatéralisme. Un défi de taille, qui suppose de rompre avec certains réflexes paternalistes hérités du passé colonial.

Les prochains mois seront décisifs pour l’avenir des relations franco-africaines. Entre exaspération, incompréhension et volonté d’émancipation, le chemin sera long pour restaurer la confiance et bâtir un partenariat d’égal à égal. Mais c’est à ce prix que la France pourra espérer retrouver une place et une légitimité sur le continent africain, en phase avec les réalités et les aspirations du XXIe siècle.

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