Le constat des scientifiques est sans appel : notre climat actuel est le plus chaud enregistré depuis au moins 120 000 ans. Cette conclusion alarmante s’appuie sur de nombreuses « archives climatiques » comme les carottes de glace, les sédiments marins ou encore les pollens et insectes fossilisés. Ces indices permettent de reconstituer les températures du passé et de les comparer à notre situation présente.
Des archives climatiques révélatrices
Pour étudier les climats anciens, les paléoclimatologues se tournent vers différents types d’archives naturelles qui ont enregistré les variations de température au fil des millénaires. Parmi les plus précieuses, on trouve :
- Les carottes de glace, extraites en forant profondément les calottes glaciaires. La composition de la glace à différentes profondeurs renseigne sur les températures passées.
- Les sédiments marins, riches en micro-organismes comme les foraminifères dont la coquille garde une trace des conditions climatiques.
- Les pollens et insectes fossilisés dans les sédiments, qui témoignent aussi des températures de leurs époques.
En croisant ces différentes archives provenant de diverses régions du globe, les scientifiques parviennent à reconstituer avec une bonne fiabilité l’évolution des températures mondiales sur de très longues périodes.
Un réchauffement inédit
Toutes ces données convergent vers un constat inquiétant : le climat de la dernière décennie (2011-2020) est le plus chaud depuis au moins 120 000 ans. Avec environ 1,1°C de plus que l’ère pré-industrielle (1850-1900), il dépasse même le dernier pic de chaleur survenu il y a environ 6500 ans.
Si l’on remonte plus loin, la période interglaciaire de l’Eémien, il y a 125 000 ans, avait connu des températures proches de celles d’aujourd’hui. Néanmoins, les scientifiques soulignent une différence majeure : ce réchauffement passé était d’origine naturelle, lié à des paramètres astronomiques, et s’était étalé sur des milliers d’années. À l’inverse, l’actuel réchauffement, causé par les activités humaines, est quasi-instantané à l’échelle géologique.
L’Eémien correspond à une augmentation de 5-7°C de température moyenne sur 10 000 ans, soit environ +1°C tous les 2000 ans. Nous, on a pris presque un degré en 50 ans !
souligne Etienne Legrain, paléoclimatologue à l’Université libre de Bruxelles
Un futur plus chaud que jamais
Si rien n’est fait pour enrayer l’emballement climatique, les projections sont encore plus alarmantes. En restant sur la trajectoire actuelle d’émissions de gaz à effet de serre, le climat attendu à la fin du siècle sera le plus chaud depuis au moins 800 000 ans, avec près de 3°C de réchauffement par rapport à l’ère pré-industrielle selon l’ONU.
Pour trouver un équivalent, il faudrait alors remonter 2 à 3 millions d’années en arrière. Mais à l’époque, ce réchauffement s’était opéré très progressivement, permettant aux écosystèmes de s’adapter. Aujourd’hui, la rapidité du changement climatique menace de submerger les capacités d’adaptation de nombreuses espèces, humains compris.
Des estimations toujours plus précises
Si les archives climatiques permettent d’estimer les températures globales du passé, les chercheurs rappellent qu’il subsiste des incertitudes, en particulier pour les périodes les plus anciennes. Reconstituer un climat mondial à partir d’indices régionaux demeure un défi.
Néanmoins, la multiplication des études paléoclimatologiques et le croisement de différents types d’archives ont considérablement affiné ces estimations. Les grands traits de l’histoire climatique de notre planète sont désormais bien connus, et le caractère inédit du réchauffement actuel ne fait plus de doute.
Face à ce constat, l’urgence d’agir pour limiter le réchauffement n’a jamais été aussi criante. Les leçons du passé révélées par les archives climatiques sont autant d’avertissements pour notre futur. Il est encore temps d’éviter que notre climat ne bascule vers un état durablement hostile à nos sociétés et à la vie telle que nous la connaissons.
