La saga autour de l’avenir de TikTok aux États-Unis prend une nouvelle tournure. Alors qu’une loi votée en avril dernier menace l’application de bannissement imminent, Donald Trump vient d’entrer dans l’arène. Le président élu a en effet demandé à la Cour suprême de suspendre cette législation très controversée.
Une loi menaçant les intérêts chinois
Pour comprendre cet imbroglio, il faut revenir à l’origine de la loi incriminée. Adoptée à une large majorité par le Congrès américain, elle impose à ByteDance, la maison mère chinoise de TikTok, de vendre ses activités américaines avant le 19 janvier 2023. Faute de quoi, l’application serait purement et simplement interdite sur le territoire des États-Unis.
Cette mesure radicale est motivée par des préoccupations de sécurité nationale. Les autorités américaines craignent en effet que le gouvernement chinois n’exploite TikTok pour espionner et manipuler ses 170 millions d’utilisateurs américains. Une accusation vivement réfutée par ByteDance, mais qui pèse lourd dans un contexte de fortes tensions sino-américaines.
Trump, défenseur inattendu de TikTok
C’est dans ce climat délétère que Donald Trump a choisi de s’impliquer personnellement dans le dossier. Dans une lettre adressée à la Cour suprême, l’ancien et futur locataire de la Maison Blanche s’oppose à l’entrée en vigueur de la loi, prévue le 20 janvier. Selon lui, lui seul aurait « l’expertise nécessaire » et « le mandat des urnes » pour négocier un compromis permettant de protéger les intérêts sécuritaires américains tout en sauvant la plateforme.
Un positionnement plutôt surprenant de la part de celui qui, durant son précédent mandat, avait lui-même tenté d’interdire TikTok, avant d’être désavoué par la justice. Mais depuis, Donald Trump semble avoir changé son fusil d’épaule, allant jusqu’à affirmer avoir « un faible » pour l’application, qui lui aurait permis de toucher une audience jeune pendant sa campagne.
Un véritable bras de fer géopolitique
Au-delà de ces considérations électoralistes, l’affaire TikTok cristallise surtout la rivalité croissante entre Washington et Pékin dans le domaine des technologies. Pour les États-Unis, il s’agit de préserver leur leadership face à la montée en puissance des géants chinois du numérique. Une bataille qui se joue à coups de sanctions, de restrictions à l’exportation et de mesures protectionnistes.
De son côté, la Chine voit dans cette offensive un nouvel exemple de l’hostilité américaine envers ses entreprises. Et n’entend pas se laisser faire, comme l’a montré sa réponse musclée aux sanctions visant Huawei. Reste à savoir si l’interventionnisme de Donald Trump suffira à débloquer la situation, ou au contraire à envenimer encore davantage les relations entre les deux superpuissances.
TikTok, victime collatérale de la guerre techno-commerciale
Dans cette partie d’échecs géopolitique, TikTok apparaît en tout cas comme le grand perdant. Pris en étau entre les exigences contradictoires de Washington et Pékin, le réseau social peine à rassurer sur sa capacité à protéger les données de ses utilisateurs. Et risque à tout moment de se voir sacrifié sur l’autel de la souveraineté numérique américaine.
Une perspective inquiétante pour les millions de créateurs et d' »aficionados » de l’appli, mais aussi pour tout l’écosystème qui s’est développé autour d’elle. Car au-delà de son succès fulgurant auprès des ados, TikTok est devenu un véritable phénomène de société, influençant la pop culture, les modes de consommation et même les mouvements sociaux. Sa disparition laisserait assurément un grand vide.
L’avenir de TikTok suspendu à une décision de justice
Pour l’heure, le sort de TikTok est plus que jamais entre les mains de la Cour suprême. Sollicitée par l’application dès le mois de décembre, la haute juridiction a accepté d’examiner la constitutionnalité de la loi d’interdiction le 10 janvier prochain, soit quelques jours seulement avant l’échéance fatidique.
Un timing serré qui maintient toutes les parties en haleine. Si les juges donnent raison à Donald Trump et invalident la loi, TikTok disposera d’un sursis précieux pour tenter de trouver un terrain d’entente avec la nouvelle administration. A l’inverse, un feu vert de la Cour suprême à la loi signerait pratiquement l’arrêt de mort de l’appli aux États-Unis.
Dans ce scénario, ByteDance n’aurait plus d’autre choix que de se séparer de sa poule aux œufs d’or, avec le risque de la voir tomber sous pavillon américain. À moins que la firme chinoise ne décide de jouer son va-tout en retirant volontairement TikTok du marché américain, comme elle a menacé de le faire à plusieurs reprises.
Une chose est sûre : quelle que soit l’issue de ce feuilleton techno-politico-judiciaire, elle aura valeur de test pour l’avenir des relations numériques sino-américaines. Et plus largement, pour l’équilibre d’un cyberespace de plus en plus balkanisé par les velléités de souveraineté numérique des États. De quoi donner le vertige, même pour TikTok et ses vidéos à mi-chemin entre euphorie et manipulation.