Un événement historique vient de se produire en Asie centrale. Le président kirghiz Sadyr Japarov a officiellement lancé les travaux de construction du chemin de fer Chine-Kirghizstan-Ouzbékistan, saluant l’avènement d’une « nouvelle ère » pour le transport régional. Ce projet ambitieux, en discussion depuis deux décennies, est appelé à transformer en profondeur les dynamiques géoéconomiques et géopolitiques de la région.
Un tracé stratégique à travers les montagnes d’Asie centrale
Long de près de 523 km au total selon les autorités kirghizes, le futur chemin de fer reliera Kachgar dans la région chinoise du Xinjiang à Andijan en Ouzbékistan, via Djalal-Abad au Kirghizistan. Il traversera des zones montagneuses très accidentées et des terrains gelés en permanence, nécessitant la construction de 27 tunnels et 46 ponts rien qu’au Kirghizistan.
Des enjeux de connectivité régionale et au-delà
Au-delà de la prouesse technique, ce projet revêt une importance stratégique majeure. Comme l’a souligné le président Japarov, cette ligne « pourra assurer la livraison des marchandises en provenance de la Chine au Kirghizstan et plus loin en Asie centrale, vers le Proche-Orient, la Turquie et même vers l’Union européenne ». Elle s’inscrit dans le cadre des « Nouvelles routes de la soie », le méga-projet d’infrastructures chinois visant à désenclaver l’Asie centrale.
L’emprise croissante de la Chine en Asie centrale
Ce projet illustre aussi le rôle de plus en plus incontournable que joue la Chine dans la région, au détriment de la Russie, puissance tutélaire historique. Pékin accroît son emprise sur les économies centrasiatiques à travers le financement d’infrastructures stratégiques comme ce chemin de fer. Un basculement géopolitique et géoéconomique est en cours.
Un chantier titanesque qui soulève des interrogations
Si l’importance de ce chemin de fer ne fait aucun doute, sa réalisation soulève néanmoins des questions. Le coût pharaonique du projet, qui pourrait atteindre 8 milliards de dollars selon Bichkek, suscite des inquiétudes quant à l’endettement et la dépendance qu’il pourrait générer pour les pays concernés vis-à-vis de la Chine. Les défis techniques et environnementaux s’annoncent également colossaux.
Malgré ces interrogations, une chose est sûre : le lancement des travaux marque une étape décisive. Il concrétise la volonté des États impliqués d’aller de l’avant et de renforcer l’intégration régionale sous leadership chinois. Les équilibres géopolitiques et les échanges économiques en Asie centrale et au-delà pourraient s’en trouver durablement transformés dans les années à venir.