Alors que la Syrie tente de tourner la page après le renversement de Bachar al-Assad en décembre dernier, les nouvelles autorités font face à une situation sécuritaire fragile. Ce jeudi, elles ont lancé une opération contre des « milices » loyales à l’ancien président dans l’ouest du pays, faisant trois morts selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). Cette opération survient au lendemain d’affrontements meurtriers et de manifestations de la minorité alaouite, dont est issu Assad.
Une opération pour « restaurer la sécurité »
L’opération a eu lieu dans la province côtière de Tartous, un bastion de la communauté alaouite. D’après l’agence de presse officielle Sana, elle a permis de « neutraliser un certain nombre » de membres de « milices » fidèles à Bachar al-Assad. L’objectif affiché est de « restaurer la sécurité, la stabilité et la paix civile » dans cette région sensible.
Selon l’OSDH, les trois personnes tuées lors de l’opération étaient des « combattants fidèles à l’ancien régime ». Cette ONG basée au Royaume-Uni, qui dispose d’un large réseau de sources en Syrie, a aussi fait état de plusieurs arrestations en lien avec les heurts et manifestations de la veille.
La colère des alaouites
Mercredi, des milliers de Syriens, issus pour beaucoup de la minorité alaouite, sont descendus dans les rues de plusieurs villes de l’ouest et du centre du pays. Leur colère a éclaté après la diffusion d’une vidéo montrant l’attaque d’un de leurs lieux saints à Alep, dans le nord de la Syrie, qui a fait cinq morts parmi les employés du sanctuaire selon l’OSDH.
Il s’agit des premières manifestations d’ampleur depuis la chute de Bachar al-Assad. À Homs, un protestataire a été tué et cinq autres blessés par les tirs des forces de sécurité venues disperser le rassemblement, toujours d’après l’OSDH.
« Un manifestant a été tué et cinq ont été blessés après que les forces de sécurité à Homs ont ouvert le feu pour disperser les protestataires », selon l’OSDH.
Un appel à « punir les assaillants »
Face à ces tensions, le ministère de l’Intérieur a tenté de calmer le jeu en assurant que la vidéo de l’attaque du sanctuaire était « ancienne » et datait en fait de la prise d’Alep par les rebelles début décembre. Il a accusé des « groupes inconnus » de vouloir « semer la discorde » en faisant de nouveau circuler ces images.
Mais sur le terrain, la situation reste explosive. À Jableh, les manifestants ont scandé : « Alaouites, Sunnites, nous voulons la paix », tout en appelant à « punir les assaillants » du sanctuaire. « Pour le moment nous écoutons les appels au calme (…) Mais la situation peut exploser », a confié à l’AFP un manifestant de 30 ans à Lattaquié.
Des accrochages meurtriers
Signe de la volatilité de la situation, des affrontements ont aussi éclaté mercredi dans la province de Tartous entre des hommes armés et les forces de l’ordre venues arrêter un officier du régime déchu. Selon un communiqué du nouveau ministre de l’Intérieur Mohammed Abdel Rahman, 14 membres des forces de sécurité ont été tués et 10 autres blessés. L’OSDH a en outre rapporté la mort de trois hommes armés.
Des inquiétudes pour l’avenir
Depuis leur arrivée au pouvoir, les nouvelles autorités syriennes, dominées par le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS), ont multiplié les gestes d’apaisement envers les minorités. Mais beaucoup au sein de la communauté alaouite, qui constituait un pilier du régime Assad, craignent désormais pour leur avenir.
« Les alaouites étaient très proches du régime de Bachar, dont ils constituaient la garde prétorienne », souligne le politologue Fabrice Balanche, qui estime leur nombre actuel à environ 1,7 million, soit 9% de la population syrienne.
Même si certains se sont réjouis de la chute d’Assad, beaucoup redoutent aujourd’hui d’être marginalisés voire de subir des représailles dans la Syrie post-Assad. Les événements de ces derniers jours, entre manifestations, affrontements sanglants et opérations sécuritaires, montrent que le chemin vers la stabilité sera encore long et semé d’embûches pour le pays, après plus d’une décennie d’une guerre dévastatrice.