C’était un triomphe annoncé pour Narendra Modi. Mais au soir des résultats des élections législatives qui se sont achevées le 19 mai en Inde, le premier ministre sortant affiche une mine soucieuse. Certes, son parti nationaliste hindou, le BJP, et ses alliés ont décroché la majorité absolue des 543 sièges de la Lok Sabha, la chambre basse du Parlement. Mais avec un score légèrement inférieur aux prévisions des sondages.
Un troisième mandat pour Modi, mais une majorité réduite
Cette alliance menée par la formation du premier ministre sortant a bien obtenu une majorité parlementaire, selon les chiffres communiqués par la Commission électorale mardi soir. Modi décrochera ainsi, sauf coup de théâtre, un troisième mandat de cinq ans à la tête du pays de 1,4 milliard d’habitants. Une performance rare pour un dirigeant indien.
Mais avec environ 350 députés, le BJP et ses partenaires font moins bien qu’en 2019, où ils avaient raflé 370 sièges. « Nous devons poser les fondations d’une Inde développée pour les vingt-cinq prochaines années », avait pourtant clamé Modi à la veille du scrutin, fixant comme objectif à ses troupes d’atteindre ce cap symbolique des 370 élus.
Une opposition renforcée et des défis économiques
De son côté, l’opposition sort ragaillardie de ces élections. Le Congrès, grand parti historique de centre-gauche, devrait doubler sa représentation au Parlement, passant d’une cinquantaine d’élus en 2019 à plus d’une centaine. Cette formation dynastique, qui a dominé la vie politique indienne depuis l’indépendance, a modernisé son image ces derniers mois en menant une longue « marche pour l’unité » à travers le pays.
- Les partis régionaux et les formations de gauche devraient aussi progresser
- L’Inde fait face à d’importants défis économiques et sociaux
- La croissance a ralenti, le chômage reste élevé, surtout chez les jeunes
- Les inégalités se sont creusées entre villes et campagnes, entre riches et pauvres
Modi devra composer avec une opposition plus forte à la chambre et relever ces défis pour ne pas décevoir les attentes des Indiens, qui restent immenses
estime un analyste politique
Des tensions religieuses à apaiser
L’autre grand enjeu pour Narendra Modi sera de maintenir la cohésion nationale et religieuse dans ce pays multiethnique. Sous ses deux premiers mandats, les tensions se sont accrues entre la majorité hindoue et la minorité musulmane. Des violences intercommunautaires ont éclaté dans plusieurs États.
- Le BJP est accusé d’attiser les divisions et les nationalismes religieux
- Modi devra rassurer une partie de la population inquiète de la dérive identitaire
- La laïcité et le pluralisme sont des principes inscrits dans la Constitution indienne
Sur le plan géopolitique, le premier ministre indien devra aussi trouver un équilibre entre ses liens étroits noués avec les États-Unis ces dernières années, et le nécessaire dialogue avec la Chine et la Russie, deux puissances voisines et partenaires incontournables.
Des attentes immenses pour la prochaine décennie
Dans 10 ans, en 2034, l’Inde devrait dépasser la Chine et devenir le pays le plus peuplé du monde avec 1,5 milliard d’habitants. Un défi colossal pour ses infrastructures, son système éducatif, sa création d’emplois. Pour y répondre, Modi compte sur les réformes économiques engagées lors de ses deux premiers mandats :
- Simplification de la fiscalité avec l’instauration d’une TVA unique
- Dérégulation du marché du travail
- Création d’un statut simplifié pour les PME
- Numérisation accrue des démarches administratives
Mais ces réformes controversées devront être poursuivies et amplifiées pour libérer pleinement le potentiel de la troisième économie d’Asie. Sous peine de ne pas tenir la promesse faite par Modi à ses compatriotes lors de sa réélection : faire de 2024 à 2034 « la décennie de l’Inde ».