C’est une visite diplomatique qui était très attendue. Ce mercredi 25 décembre, le ministre japonais des Affaires étrangères Takeshi Iwaya a entamé sa toute première visite officielle à Pékin. Au programme : des rencontres au sommet avec son homologue chinois Wang Yi et d’autres hauts responsables du gouvernement. L’objectif affiché est clair – renforcer le dialogue et la coopération entre les deux puissances asiatiques, malgré un contexte régional tendu.
Un partenariat économique vital pour les deux pays
Il faut dire que les enjeux sont de taille. Le Japon et la Chine, respectivement 3ème et 2ème économies mondiales, entretiennent des liens commerciaux étroits et interdépendants. Pékin est le premier partenaire commercial de Tokyo, tandis que le Japon est un investisseur majeur en Chine, notamment dans le secteur industriel et technologique.
Selon les données du ministère japonais des Finances, les échanges bilatéraux ont atteint en 2023 le montant record de 367 milliards de dollars, en hausse de 8% par rapport à l’année précédente. Un dynamisme qui profite aux entreprises et à la croissance des deux côtés de la mer de Chine orientale.
Le poids de l’Histoire
Mais si les intérêts économiques rapprochent, le passé divise toujours. Les relations nippo-chinoises restent entachées par les lourds contentieux historiques liés à l’expansionnisme japonais du début du XXème siècle et à la brutale occupation de la Chine par l’armée impériale nippone de 1937 à 1945.
La Chine n’oubliera jamais les souffrances infligées à son peuple par le militarisme japonais.
Wang Yi, ministre chinois des Affaires étrangères
Pékin reproche régulièrement à Tokyo de ne pas présenter des excuses suffisantes et sincères pour ses exactions passées. Les visites de responsables japonais au sanctuaire Yasukuni à Tokyo, qui honore la mémoire des soldats morts pour la patrie dont des criminels de guerre, suscitent immanquablement la colère du gouvernement et de l’opinion publique chinoise.
Rivalités territoriales et course à l’armement
À ces tensions mémorielles s’ajoutent des rivalités géopolitiques persistantes. La Chine et le Japon se disputent la souveraineté des îles Senkaku (appelées Diaoyu par Pékin), un petit archipel inhabité mais stratégique en mer de Chine orientale, aux confins de leurs zones économiques exclusives.
Selon le ministère japonais de la Défense, les incursions de navires garde-côtes et de bateaux de pêche chinois dans les eaux territoriales de l’archipel se multiplient ces dernières années, atteignant un pic de 220 en 2023. Tokyo y voit une tentative de Pékin d’affirmer ses revendications par la force.
Le Japon ne tolérera aucune remise en cause unilatérale du statu quo concernant les îles Senkaku, qui font partie intégrante de notre territoire national.
Takeshi Iwaya, ministre japonais des Affaires étrangères
Face à l’assertivité chinoise, le Japon a considérablement renforcé ces dernières années son dispositif militaire dans le sud-ouest de son archipel. Tokyo a notamment déployé des missiles antinavires, des avions de combat et des troupes supplémentaires sur les îles d’Okinawa et de Yonaguni, au plus près de la zone disputée.
Une course à l’armement qui nourrit les tensions. En août dernier, des avions de chasse chinois ont effectué des incursions records dans l’espace aérien nippon près des îles Senkaku, déclenchant des alertes et des manœuvres d’interception de la part des forces japonaises d’autodéfense.
Renouer le dialogue malgré les défis
C’est dans ce contexte de méfiance réciproque que s’inscrit la visite de Takeshi Iwaya à Pékin. Mardi, à la veille de son départ pour la Chine, le chef de la diplomatie nippone avait souligné l’importance de maintenir des canaux de communication ouverts avec Pékin, malgré les nombreux différends.
Il existe de nombreuses possibilités, mais aussi plusieurs défis et préoccupations dans notre relation avec la Chine. Le dialogue est essentiel pour bâtir une relation stable et constructive.
Takeshi Iwaya, ministre japonais des Affaires étrangères
De son côté, Pékin s’est dit prêt à « travailler avec le Japon » pour améliorer les relations bilatérales, tout en appelant Tokyo à respecter ses « préoccupations majeures » concernant Taïwan et les questions historiques et territoriales.
Selon des diplomates cités par l’agence Kyodo, les discussions entre Iwaya et ses interlocuteurs chinois devraient porter sur une large gamme de sujets, allant de la coopération économique et commerciale à la coordination des politiques envers la Corée du Nord en passant par les dossiers sécuritaires régionaux.
Mais il ne faut pas s’attendre à des percées spectaculaires. Comme le souligne un expert des relations nippo-chinoises à l’Université de Tokyo, « cette visite est surtout symbolique et vise à maintenir des relations de travail, malgré un contexte difficile ». Un premier pas nécessaire sur le long chemin de la réconciliation entre les deux géants asiatiques.