Un nouveau décret sur la cybersécurité aux allures liberticides vient d’entrer en vigueur au Vietnam. Baptisé « décret 147 », ce texte controversé impose aux plateformes numériques opérant dans le pays de significativement renforcer la vérification d’identité de leurs utilisateurs. Des mesures qui font craindre un contrôle accru d’Internet par le gouvernement vietnamien, déjà peu enclin à la liberté d’expression en ligne.
Géants du web contraints à une surveillance renforcée
Le décret 147 ne fait pas dans la demi-mesure. Tous les mastodontes d’Internet présents au Vietnam, de Google à Meta en passant par TikTok, sont désormais tenus de collecter davantage de données personnelles sur leurs utilisateurs. Numéro d’identification national ou de téléphone, nom complet, date de naissance… L’objectif affiché est de mieux vérifier l’identité des internautes.
Mais ce n’est pas tout. Ces informations devront être stockées et mises à disposition des autorités vietnamiennes sur simple demande. Les plateformes auront également l’obligation de supprimer tout contenu jugé « illégal » par le gouvernement sous 24 heures. Une épée de Damoclès qui plane au-dessus de la liberté d’expression numérique.
Des dissidents dans le viseur
Pour les militants des droits de l’Homme, ce décret est une arme de censure massive. « Le décret 147 sera utilisé pour réprimer publiquement ceux qui ont des points de vue différents », s’alarme Dang Thi Hue, une militante suivie par 28 000 personnes sur Facebook pour ses prises de position politiques et sociales.
Au Vietnam, la liberté de la presse est un concept bien relatif. Tous les médias sont aux mains de l’État et les blogueurs indépendants interdits. Le pays à parti unique est l’un des plus répressifs au monde envers les journalistes, fréquemment emprisonnés pour leurs écrits.
Le Vietnam occupe la 174e place sur 180 dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.
Reporters sans Frontières
Diffuser en direct, un privilège sous conditions
Le décret 147 s’attaque également aux live streamers. Seuls les comptes dûment vérifiés seront autorisés à diffuser des vidéos en direct, une pratique qui permet à un nombre croissant de Vietnamiens de gagner leur vie sur TikTok ou YouTube. Un coup dur pour ces nouveaux entrepreneurs du web.
Et gare aux contenus jugés subversifs ! Les dissidents très suivis en ligne sont rapidement arrêtés. En octobre dernier, le blogueur Duong Van Thai a écopé de 12 ans de prison pour avoir publié des informations « hostiles à l’État » auprès de ses 120 000 abonnés YouTube.
La lutte contre l’addiction aux jeux vidéo en toile de fond
Mais la cybersécurité version vietnamienne ne se limite pas à la surveillance des opposants. Le décret 147 entend aussi s’attaquer au fléau de l’addiction aux jeux vidéo chez les mineurs, un combat cher au gouvernement dans ce pays où un habitant sur deux est un « gamer » régulier.
Les éditeurs de jeux devront désormais imposer une limite d’une heure par session et de trois heures quotidiennes à leurs jeunes utilisateurs. Des restrictions draconiennes qui témoignent de l’ampleur du phénomène au Vietnam, mais aussi de la volonté de contrôle tous azimuts des autorités sur les activités numériques.
Un texte dans la droite ligne de la cybersécurité façon Pékin
Ce décret sécuritaire s’inscrit dans la continuité d’une loi sur la cybersécurité adoptée en 2018, vivement critiquée par les défenseurs des libertés numériques. Nombre d’observateurs y voient une inquiétante similitude avec les pratiques de censure de la Chine voisine.
Les États-Unis et l’Union européenne ont exprimé leurs préoccupations face à cette dérive, craignant une surveillance de masse et un musellement de la société civile vietnamienne. Mais le gouvernement de Hanoï reste droit dans ses bottes, arguant de la nécessité de préserver la « sécurité nationale » dans l’espace numérique.
Un avenir sombre pour les libertés numériques au Vietnam ?
Avec l’entrée en vigueur de ce décret, c’est un nouveau tour de vis sécuritaire qui s’abat sur le cyberespace vietnamien. Entre surveillance renforcée, censure accrue et contrôle de l’addiction, les internautes du pays risquent de voir leur marge de manœuvre fortement réduite en ligne.
Face à cette menace, les voix dissidentes pourront-elles encore se faire entendre sur la toile ? Les plateformes numériques sauront-elles résister aux pressions du régime ? L’avenir des libertés numériques au Vietnam semble plus que jamais incertain. Un combat de longue haleine s’annonce pour les défenseurs des droits de l’Homme, déterminés à faire barrage à cette dérive autoritaire dans le cyberespace.