En cette fin d’année 2024, les relations sino-japonaises sont à nouveau sous le feu des projecteurs. Takeshi Iwaya, le ministre japonais des Affaires étrangères, a entamé ce mercredi une visite officielle à Pékin, marquant ainsi son premier déplacement en Chine depuis sa nomination en octobre dernier. Au programme : des rencontres de haut niveau avec son homologue chinois Wang Yi, le Premier ministre Li Qiang, et d’autres hauts responsables du gouvernement. L’enjeu est de taille, car si la Chine et le Japon entretiennent un partenariat commercial crucial, leur relation bilatérale reste emplie de défis et préoccupations, comme l’a reconnu M. Iwaya lui-même.
Un lourd passé qui pèse sur le présent
Pour comprendre la complexité des liens sino-japonais actuels, il faut remonter plusieurs décennies en arrière. L’occupation brutale de certaines régions chinoises par le Japon avant et pendant la Seconde Guerre mondiale a laissé des cicatrices profondes. Pékin accuse régulièrement Tokyo de ne pas avoir suffisamment reconnu et réparé les souffrances infligées à cette époque. Les visites répétées d’officiels japonais au sanctuaire Yasukuni de Tokyo, qui honore les morts de guerre dont des criminels condamnés, suscitent à chaque fois l’ire de la Chine.
Rivalités territoriales en mer de Chine orientale
Outre ces contentieux historiques, Chine et Japon se disputent le contrôle de plusieurs îles en mer de Chine orientale. Tokyo s’inquiète de la multiplication des manœuvres militaires chinoises dans la région, notamment autour de Taïwan qui se trouve à proximité de la zone économique exclusive japonaise. En août dernier, l’armée de l’air chinoise a effectué sa première incursion confirmée dans l’espace aérien nippon. Quelques semaines plus tard, un navire de guerre japonais franchissait pour la première fois le détroit de Taïwan. Autant de démonstrations de force qui attisent les tensions.
L’épineuse question des eaux de Fukushima
Un autre différend est venu s’ajouter en 2023 lorsque la Chine a suspendu ses importations de produits de la mer japonais. En cause : la décision controversée du Japon de rejeter dans l’océan Pacifique les eaux traitées de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima. Si Pékin a récemment annoncé une reprise progressive de ces importations, le sujet reste sensible.
Partenariat économique vital mais asymétrique
Malgré toutes ces pierres d’achoppement, Chine et Japon ne peuvent se permettre une rupture. Leurs économies sont trop interdépendantes, la Chine étant le premier partenaire commercial du Japon. Tokyo a cependant pris conscience des risques d’une trop grande dépendance et cherche à diversifier ses échanges, notamment vers l’Asie du Sud-Est. Le Japon s’inquiète aussi de l’expansionnisme chinois et a considérablement augmenté ses dépenses militaires ces dernières années.
La Chine est prête à travailler avec le Japon
Mao Ning, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères
Vers une diplomatie pragmatique ?
C’est dans ce contexte délicat que s’inscrit la visite de M. Iwaya. L’objectif est de maintenir un dialogue à haut niveau pour gérer au mieux les nombreux différends et éviter toute escalade dangereuse. Car au-delà des défis, Chine et Japon ont un intérêt commun à la stabilité et la prospérité en Asie. Tokyo, allié de longue date de Washington, peut aussi jouer un rôle de médiateur entre Pékin et l’Occident à l’heure où les tensions sino-américaines restent vives. Toutefois, la marge de manœuvre est étroite tant les griefs sont profonds de part et d’autre.
La visite de Takeshi Iwaya à Pékin est donc un exercice diplomatique délicat, un pas sur un chemin semé d’embûches. Il faudra plus que quelques rencontres pour apaiser des décennies de défiance et rivalités. Mais dans un monde de plus en plus instable, Chine et Japon semblent condamnés à s’entendre, ou du moins à gérer pragmatiquement leurs nombreux désaccords. L’avenir de l’Asie pourrait bien en dépendre.