Un calme trompeur plane sur les rues de Lubero, ville nichée au creux de majestueuses collines boisées de l’est de la République démocratique du Congo. Malgré les apparences, une menace sourde gronde aux portes de cette cité de quelque 100 000 habitants : l’avancée des rebelles du M23, mouvement soutenu par le Rwanda voisin, fait craindre le pire à la population locale.
Lubero sur le qui-vive face à l’avancée du M23
Selon le bourgmestre de Lubero, Crispin Hinga, l’ennemi est désormais tout proche. La ligne de front ne se situe plus qu’à une cinquantaine de kilomètres et nombre d’habitants ont d’ores et déjà préparé leurs valises, prêts à fuir en cas d’attaque. Dans les rues boueuses de la ville, des soldats des FARDC, l’armée régulière congolaise, déambulent, l’air abattu. Beaucoup reviennent des zones de combat d’où ils ont été refoulés par la progression fulgurante des rebelles ces derniers jours.
Le M23, la nouvelle menace qui plane sur l’est de la RDC
Depuis sa résurgence en novembre 2021, le « Mouvement du 23 mars » (M23) a conquis de vastes portions de territoire dans cette région de l’est congolais, riche en ressources naturelles mais déchirée par des décennies de conflits. Malgré les efforts diplomatiques, notamment le sommet de Luanda censé ramener la paix, les combats se poursuivent, le M23 lançant offensive sur offensive avec le soutien du Rwanda.
Entre résignation et psychose, le quotidien des habitants de Lubero
Si la vie semble suivre son cours normal dans le centre de Lubero, avec ses commerces ouverts et ses enfants jouant dans les rues, l’inquiétude est palpable parmi la population. « Il y a un peu de psychose mais l’administration continue à fonctionner » tente de rassurer l’administrateur militaire du territoire. Pourtant, selon l’ONU, au moins 100 000 personnes ont déjà fui les combats depuis début décembre.
J’ai l’air calme, mais intérieurement, je ne suis pas calme.
Mumbere Wangavo, représentant d’une chefferie locale réfugié à Lubero
Les FARDC pointées du doigt, soupçons de complicité
Outre la peur de voir débarquer les rebelles du M23, les habitants de Lubero redoutent également les exactions des militaires congolais censés les protéger. Accusées de pillages et d’abandon de poste, les FARDC suscitent la défiance. Des soupçons de « traîtres » au sein de l’armée circulent, certains évoquant même une possible collusion de certains gradés avec l’ennemi pour faciliter son avancée.
La société civile menacée, entre peur et résistance
Dans ce climat de tension, les défenseurs des droits humains et représentants de la société civile sont particulièrement exposés. Nombre d’entre eux affirment recevoir des menaces de plus en plus pressantes à mesure que le M23 gagne du terrain, le mouvement rebelle étant connu pour museler toute voix dissidente dans les zones qu’il contrôle.
S’ils arrivent ici, je serai forcé de faire mes valises.
Un représentant associatif de Lubero
Face à l’avancée des rebelles soutenus par le Rwanda, l’impuissance des FARDC et la crainte de représailles, Lubero vit donc suspendue dans une attente angoissée. Si certains tentent encore de vaquer à leurs occupations, beaucoup guettent, valises prêtes, le moment fatidique où il faudra tout quitter pour sauver sa peau. Un énième drame en perspective pour cette région meurtrie de l’est de la RDC, qui peine à entrevoir l’espoir d’une paix durable.