Une crise politique sans précédent secoue actuellement les plus hautes sphères du pouvoir en Équateur. Au cœur de la tourmente, le président Daniel Noboa et sa vice-présidente Veronica Abad s’affrontent dans un conflit ouvert aux multiples rebondissements. Les accusations fusent, Mme Abad allant jusqu’à affirmer que le dirigeant chercherait à la « bannir » du pays en l’envoyant en Turquie.
Une alliance politique qui vire au cauchemar
Pourtant, rien ne laissait présager une telle discorde lorsque M. Noboa et Mme Abad se sont associés pour former un duo gagnant lors des élections de 2023. Leur partenariat semblait solide, porté par une vision commune pour le développement du pays. Mais les apparences étaient trompeuses. En coulisses, les relations se sont rapidement dégradées entre les deux têtes de l’exécutif équatorien.
Un éloignement stratégique ?
Dès décembre 2023, le président Noboa a pris une décision lourde de sens en nommant sa vice-présidente ambassadrice en Israël. Ce geste, perçu par beaucoup comme une manœuvre visant à éloigner Mme Abad du centre névralgique du pouvoir à Quito, a marqué un tournant dans leurs rapports. Une source proche du dossier a confié sous couvert d’anonymat :
Le président voulait clairement mettre de la distance entre lui et sa vice-présidente. En l’envoyant à l’autre bout du monde, il s’assurait qu’elle n’interfère pas dans la gestion quotidienne du gouvernement.
L’affaire du « bannissement » en Turquie
Mais c’est véritablement lorsque des tensions géopolitiques ont éclaté fin 2023 au Moyen-Orient, que les choses ont pris une tournure dramatique. Pour assurer la sécurité de Mme Abad, le gouvernement lui a demandé de quitter Israël pour la Turquie. Un départ qu’elle aurait différé de plusieurs jours, poussant le ministère du Travail à la sanctionner pour « manquement à ses devoirs ». Une suspension invalidée depuis par la justice.
C’est dans ce contexte que Mme Abad a accusé mardi le président Noboa de vouloir la « bannir » du pays en la confinant en Turquie. Dans une lettre incendiaire publiée sur les réseaux sociaux, elle a dénoncé « une nouvelle insulte faite aux Équatoriens ».
Bras de fer autour des prochaines élections
Car l’enjeu de ce conflit dépasse les seules relations personnelles. En vue des élections anticipées du 9 février prochain, le président Noboa a décidé d’écarter Mme Abad de son ticket. Une « erreur » de casting initiale qu’il assume désormais publiquement. Mais en vertu de la Constitution, pour faire campagne, il doit céder temporairement ses pouvoirs… à sa vice-présidente. Un scénario inimaginable vu l’animosité actuelle.
Privée de bureau en arrivant à Quito, refoulée par des militaires à l’entrée de la vice-présidence, Mme Abad a porté plainte auprès du ministère public. Elle entend bien mener la vie dure à son désormais rival. Dans son jugement, la magistrate en charge du dossier a d’ailleurs affirmé avoir subi des pressions de la part de responsables politiques pour statuer contre la vice-présidente, mettant en jeu sa carrière.
Une crise qui fragilise la démocratie
Au delà d’un affrontement au sommet de l’État, cette crise inédite jette une lumière crue sur la fragilité des institutions démocratiques équatoriennes. Les tentatives d’ingérence dans les décisions de justice, l’instrumentalisation de l’armée et de la diplomatie à des fins politiques sapent les fondements de l’État de droit. Beaucoup s’inquiètent des répercussions à long terme de ce conflit sur la stabilité du pays.
Alors que la campagne électorale s’annonce sous haute tension, le peuple équatorien reste suspendu aux prochains épisodes de ce feuilleton politique. Le dénouement pourrait bien déterminer le visage de la démocratie équatorienne pour les années à venir.