Un procès retentissant vient de s’achever à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso. Quatre hauts fonctionnaires ont été condamnés à de lourdes peines de prison ferme pour détournement de fonds publics, enrichissement illicite et blanchiment de capitaux. Les révélations choquantes de cette affaire, dont les audiences ont été diffusées en direct à la télévision et à la radio, mettent en lumière l’ampleur de la corruption qui gangrène ce pays d’Afrique de l’Ouest.
Un scandale financier de grande envergure
Selon les informations révélées lors du procès, les quatre accusés auraient détourné la somme colossale de 2,8 milliards de francs CFA (4,2 millions d’euros) entre 2023 et 2024. Pour mener à bien leur forfait, ils ont usé d’un stratagème aussi simple qu’efficace : imiter des signatures sur plusieurs centaines de chèques du Trésor public. L’argent ainsi détourné était destiné à venir en aide aux populations vulnérables et aux victimes des violences djihadistes qui ensanglantent le pays depuis plusieurs années.
Face à leurs juges, les prévenus ont reconnu les faits qui leur étaient reprochés. Ils ont cependant contesté les montants avancés par le procureur et dénoncé l’implication de supérieurs hiérarchiques qui auraient également bénéficié des fonds détournés. Une ligne de défense qui n’a pas convaincu le tribunal.
De lourdes peines de prison ferme
Au terme de ce procès très médiatisé, les quatre fonctionnaires reconnus coupables ont écopé de peines allant de 6 à 15 ans de prison ferme :
- Amidou Tiegnan, gestionnaire de compte au ministère de la Solidarité et de l’Action humanitaire, a été condamné à 15 ans de prison ferme. Il apparaît comme le principal instigateur du système de détournement de fonds.
- Pétronille Ouédraogo, également gestionnaire de compte, a été condamnée à 11 ans de prison ferme pour son rôle actif dans cette affaire.
- Salifou Ouédraogo et Philippe Bayoulou ont respectivement écopé de 6 et 8 ans de prison ferme.
En plus de ces lourdes peines de prison, les quatre condamnés devront rembourser à l’État burkinabé la somme astronomique de 8,5 milliards de francs CFA (12,9 millions d’euros). Ce montant correspond aux sommes détournées ainsi qu’aux amendes infligées par la justice. Le tribunal a également ordonné la confiscation de tous les biens, meubles et immeubles, appartenant aux prévenus et saisis durant l’instruction.
Un signal fort dans la lutte contre la corruption ?
Pour le président du tribunal, Abasse Nombré, ce procès très médiatisé avait pour objectif de sensibiliser un maximum de Burkinabés sur les enjeux de la gestion des biens publics. Dans un pays miné par la corruption, où les scandales financiers sont légion, il s’agissait de frapper les esprits et d’adresser un message clair à ceux qui seraient tentés de détourner l’argent public.
Reste à savoir si ce signal fort sera suivi d’effets. Le Burkina Faso est dirigé depuis septembre 2022 par une junte militaire, arrivée au pouvoir suite à un coup d’État. Le capitaine Ibrahim Traoré, chef de ce régime militaire, a fait de la lutte contre le djihadisme et la corruption ses priorités affichées. Mais dans les faits, le pays continue de s’enfoncer dans la violence et l’instabilité.
Le Burkina Faso compte plus de deux millions de déplacés internes, fuyant les exactions des groupes armés affiliés à Al-Qaïda et à l’État islamique. On dénombre plus de 26 000 morts, civils et militaires, dont 13 500 depuis le coup d’État de septembre 2022.
Sources officielles et ONG Acled
Face à cette situation catastrophique, la question de la bonne gouvernance et de la gestion transparente des fonds publics apparaît plus que jamais cruciale. Le procès des quatre fonctionnaires burkinabés marque peut-être un tournant dans la lutte contre la corruption. Mais il faudra plus que des condamnations exemplaires pour résoudre les immenses défis auxquels est confronté ce pays pauvre et instable d’Afrique de l’Ouest. La tâche s’annonce immense pour les nouvelles autorités issues du putsch.