Un drame maritime aux allures de thriller géopolitique. Dans la nuit de lundi à mardi, le cargo russe Ursa Major a fait naufrage en Méditerranée, à environ 105 km des côtes espagnoles. Sur les 16 membres d’équipage, tous de nationalité russe, 14 ont pu être secourus mais deux marins restent portés disparus. Les circonstances exactes de l’accident, survenu sur fond de mauvaises conditions météo, restent pour l’heure mystérieuses.
Un navire stratégique sous sanctions américaines
L’Ursa Major n’était pas un bateau ordinaire. Ce cargo, le plus grand de la flotte d’Oboronloguistika, une société dépendant directement du ministère russe de la Défense, avait été placé sous sanctions américaines en mai 2022, peu après le début de l’offensive russe en Ukraine. Selon le département d’État américain, Oboronloguistika est chargée de « répondre aux besoins du ministère russe de la Défense concernant le transport, le stockage et la production de biens militaires et à usage spécial ». Un statut qui soulève bien des questions sur la nature réelle de la cargaison et la mission de l’Ursa Major.
Que transportait vraiment le cargo naufragé ?
Officiellement, selon la compagnie Oboronloguistika, le navire transportait des grues portuaires et des couvercles de trappe pour des brise-glaces vers le port de Vladivostok, dans l’Extrême-Orient russe. Des conteneurs vides auraient également été embarqués comme « poids mort » pour stabiliser le navire. Une version qui soulève quelques doutes.
Certaines sources, citant les récits de rescapés, évoquent plutôt des conteneurs dans la cale et deux grues sur le pont. Autre fait troublant, le renseignement militaire ukrainien affirme qu’un cargo nommé Sparta, appartenant à la même compagnie russe, avait rencontré un problème technique au large du Portugal et se rendait vers la Syrie pour « évacuer des armes et de l’équipement ». S’agissait-il en réalité de l’Ursa Major, autrefois dénommé Sparta III ?
Le mystère des bases russes en Syrie
La Russie dispose de deux bases militaires stratégiques en Syrie : le port de Tartous et la base aérienne de Hmeimim. Des infrastructures clés pour les opérations russes au Moyen-Orient, en Méditerranée et jusqu’en Afrique. Mais la récente fuite en Russie du président syrien Bachar el-Assad, renversé en décembre, a fragilisé la position de Moscou dans la région.
Selon une source proche du dossier, la Russie aurait entamé le transfert d’une partie de son arsenal de Tartous vers la Libye, face aux incertitudes sur l’avenir de ses bases syriennes. Le naufrage de l’Ursa Major, s’il transportait bien des armes, pourrait être lié à ces manœuvres stratégiques discrètes.
Une enquête et de nombreuses zones d’ombre
Le Comité d’enquête russe a ouvert une investigation pour « violation des règles de sécurité du transport maritime », sans apporter plus de précisions à ce stade. Selon la diplomatie russe, le naufrage serait dû à une « explosion survenue dans la salle des machines » du cargo, une piste qui devra être confirmée par les experts.
De nombreuses questions restent en suspens : quelle était la véritable destination de l’Ursa Major ? Transportait-il une cargaison sensible ? Son naufrage est-il lié à sa mission ou aux sanctions dont il faisait l’objet ? Le sort des deux marins portés disparus permettra peut-être d’en savoir plus sur ce mystérieux incident en haute mer…
