À peine installé à Matignon, le gouvernement Bayrou se retrouve déjà face à une équation budgétaire explosive. Redresser les comptes publics était déjà la priorité numéro un de l’exécutif précédent. Mais après des mois d’atermoiements politiques et un budget 2025 toujours pas voté, l’urgence n’a fait que s’accentuer. La dette publique frôle désormais les 3000 milliards d’euros, soit près de 114% du PIB, un record. Quant au déficit, il devrait dépasser les 6% cette année. Une situation intenable pour le nouveau locataire de Bercy, Éric Lombard.
Une pression maximale sur les finances publiques
Au lendemain de sa nomination, le nouveau ministre de l’Économie et des Finances a donné le ton : « On ne peut rien faire avec une dette de cette ampleur ». Un constat alarmant partagé par de nombreux experts. Comme l’a souligné récemment le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau :
Notre problème de finances publiques n’a pas disparu, au contraire. Faute de le traiter, nous risquons l’enfoncement progressif.
De son côté, la Cour des Comptes tire la sonnette d’alarme sur le coût exorbitant de la dette. D’après son premier Président Pierre Moscovici, les intérêts s’élèveront à 70 milliards d’euros l’an prochain, soit l’équivalent du budget de l’Éducation nationale. Une facture astronomique qui grève les marges de manœuvre budgétaires et hypothèque l’avenir.
Une crédibilité à restaurer d’urgence
Pour Éric Lombard, pas question donc de tergiverser. Il faut agir vite et fort pour stopper cette spirale infernale et restaurer la crédibilité de la France auprès des investisseurs et de ses partenaires européens. Un message qu’il devra porter haut et fort alors que Bruxelles scrute de près la trajectoire budgétaire tricolore et attend des efforts significatifs pour réduire les déficits.
Signe de la défiance des marchés, l’agence de notation Moody’s vient d’ailleurs de dégrader la note française, jugeant peu probable un rétablissement rapide des finances publiques au vu de la fragmentation politique actuelle. Un coup dur pour l’exécutif qui va devoir convaincre qu’il a les moyens de ses ambitions.
Un budget 2025 sous très haute tension
Dans ce contexte, l’élaboration du budget 2025 s’annonce plus que jamais périlleuse. D’autant que le temps presse. Le premier ministre François Bayrou espère le voir voté d’ici mi-février. Un délai très serré au vu des arbitrages douloureux qui s’annoncent entre hausse d’impôts et coupe dans les dépenses.
Pour l’heure, le nouveau chef du gouvernement maintient le flou sur ses intentions. Mais il l’assure, il n’hésitera pas à recourir au 49.3 pour faire adopter son budget si nécessaire. Une arme constitutionnelle risquée alors que son prédécesseur Michel Barnier a été renversé sur un texte budgétaire. La partie s’annonce serrée.
Bercy face à une équation impossible
Car les marges de manœuvre sont étroites pour rééquilibrer les comptes sans casser la croissance, déjà bien mal en point. Selon les dernières prévisions de l’Insee, elle ne devrait pas dépasser 0,2% au premier semestre 2025. Loin des 1,1% espérés par le gouvernement jusqu’ici.
De quoi compliquer encore un peu plus la donne pour Bercy, pris en étau entre la nécessité de réduire rapidement les déficits et celle de soutenir l’activité économique. Un dilemme cornélien qui pousse certains, y compris au sein de la majorité, à plaider pour un rythme plus progressif de désendettement.
Des réformes structurelles incontournables
Mais pour Éric Lombard, pas question de reculer. Le redressement des comptes publics est une condition sine qua non pour redonner des marges de manœuvre budgétaires au pays et financer les investissements d’avenir. Cela passera inévitablement par des efforts importants, mais aussi et surtout par des réformes de structure profondes, notamment sur les retraites et l’assurance chômage.
Des chantiers explosifs sur le plan social, mais jugés indispensables pour assainir durablement les finances publiques et doper le potentiel de croissance à long terme. Autant de défis immenses qui attendent le gouvernement Bayrou et son ministre de l’Économie. La bataille du budget ne fait que commencer, mais elle s’annonce d’ores et déjà décisive pour l’avenir du pays.
Un budget qui conditionnera la suite du quinquennat
Au-delà des enjeux économiques et financiers, ce premier budget sera aussi un test grandeur nature pour le nouvel exécutif et sa capacité à gouverner dans une Assemblée nationale morcelée où il ne dispose que d’une majorité relative. Un échec serait catastrophique et fragiliserait durablement sa légitimité politique.
François Bayrou en est pleinement conscient. C’est pourquoi il met toute son énergie et son expérience dans la bataille pour constituer une majorité de projets. Les discussions tous azimuts sont engagées avec les oppositions. Mais à ce stade, rien n’est acquis. Les prochaines semaines seront décisives.
Une chose est sûre : de l’adoption de ce budget 2025 dépendra en grande partie la suite du quinquennat. Le gouvernement joue très gros. En cas de réussite, il peut espérer lancer une dynamique positive et se donner un peu d’air sur le front social. En cas d’échec, c’est une crise politique majeure qui s’ouvrira, avec un risque de paralysie durable. Les Français retiennent leur souffle. L’avenir budgétaire et politique du pays est en jeu.