Le secteur bancaire américain a créé la surprise en annonçant des poursuites judiciaires contre la banque centrale des États-Unis, la toute-puissante Réserve Fédérale. Au cœur du litige : les fameux tests de résistance annuels imposés aux établissements financiers, dont les modalités sont jugées « opaques » et les effets « contreproductifs » par les grands noms de Wall Street.
Des tests de résistance en question
Mis en place dans la foulée de la crise financière de 2008 par la loi Dodd-Frank, ces exercices de simulation de crise visent à s’assurer que les banques disposent de matelas de sécurité suffisants pour absorber d’éventuels chocs. Mais pour le lobby bancaire BPI, qui rassemble les mastodontes du secteur, le dispositif actuel est loin d’être optimal :
Les tests de résistance entraînent des réserves de capitaux inappropriées, volatiles et excessives, ce qui réduit les capacités de prêts et la croissance économique.
– Bank Policy Institute (BPI)
En clair, les exigences en fonds propres restreindraient les volumes de crédits accordés aux ménages et entreprises, plombant au passage l’emploi, les marchés financiers et le coût du crédit. Des critiques balayées jusqu’ici par la Fed, qui n’a pas souhaité commenter la procédure judiciaire en cours.
Un cadre réglementaire contesté
Les banques dénoncent des changements « erratiques » et « sans préavis » du niveau de capitaux requis d’une année sur l’autre, source d’une « incertitude inutile ». Elles jugent que ces régulations « nuisent au système bancaire sans le rendre plus sûr » et renchérissent in fine le coût du crédit pour leurs clients.
Pour autant, pas question de supprimer purement et simplement les « stress tests ». L’Ohio Bankers League, partie prenante à la plainte, plaide pour « s’assurer que le processus est légal et efficace pour promouvoir une économie saine et croissante ». Bref, réformer plutôt qu’abroger.
La Fed sur la défensive
Mise sous pression, la banque centrale a annoncé l’ouverture prochaine d’une consultation pour améliorer la transparence de ses évaluations et réduire la volatilité induite sur les fonds propres bancaires. Une initiative saluée, bien que tardive, par les établissements requérants.
Car le temps presse. Le délai pour une action en justice expirant en février 2025, les banques disent n’avoir eu « pas d’autre choix que de lancer des poursuites pour préserver leurs droits ». Les derniers tests en date, il est vrai, n’incitent guère à l’optimisme : si les grandes enseignes pourraient résister à une récession, elles seraient pénalisées par un recours accru des ménages au crédit et à des impayés en hausse.
Un procès révélateur des tensions
Au-delà des arguties techniques, l’offensive judiciaire met en lumière le bras de fer engagé entre régulateurs et régulés sur l’après-2008. Si la nécessité de tests de résistance n’est plus discutée, leur philosophie et leur calibrage continuent de diviser.
Aux yeux des banques, l’approche de la Fed relèverait d’une forme de « sur-régulation » bridant leur dynamisme, au détriment de l’économie toute entière. Mais pour les partisans d’un contrôle strict, pas question de relâcher la bride tant les cicatrices de la crise restent vives.
Une chose est sûre : le procès s’annonce long et disputé. Et ses répercussions pourraient bien dépasser les frontières américaines, tant la réglementation bancaire post-2008 est débattue aux quatre coins du globe. De quoi rajouter encore un peu de suspens sur les places financières.