En cette veille de Noël, une scène touchante se déroule à Kiev. Anna Holoubtsova et une centaine d’autres Ukrainiens exilés de Bakhmout se sont réunis pour un concert destiné à faire revivre, l’espace d’une soirée, leur ville aujourd’hui en ruines. Car Bakhmout, cité de l’est de l’Ukraine, a été le théâtre d’une des batailles les plus sanglantes et destructrices depuis le début de l’invasion russe en février 2022. Conquise en mai dernier par les forces de Moscou au prix de lourdes pertes, elle n’est plus que l’ombre d’elle-même.
La musique pour tromper l’exil et la guerre
Mais ce soir, les chants résonnent et les souvenirs affluent. Anna, vêtue d’un t-shirt scintillant, prend le micro. Sa voix s’élève, réveillant en chacun des images d’une Bakhmout disparue. « Je suis peut-être une rêveuse », confie-t-elle. « Mais je dis, et continuerai à dire, que ma famille sera l’une des premières à revenir et à reconstruire notre ville ». Un vœu partagé par beaucoup, même s’il paraît de plus en plus inatteignable alors que la situation militaire ukrainienne se dégrade sur le front est.
Un moment hors du temps
Pour Natalia Zyzyaïeva, 63 ans, ce concert est une parenthèse bienvenue. « Ça nous change les idées, ça nous aide à tenir, même juste un peu. » Comme tant d’autres, elle a vécu des drames indicibles. Une voisine tuée en allant nourrir ses poules, un ami enterré dans son potager… Autant d’histoires tragiques que la musique et la présence des siens aident à mettre à distance, le temps d’une soirée.
La difficile reconstruction
Mais la réalité rattrape vite les exilés. Bakhmout, qui comptait 70 000 habitants avant guerre, n’est plus qu’un champ de ruines. « Tout a été détruit, on ne peut même pas penser à un retour », soupire Olena Rudyk, 65 ans, musicienne retraitée nostalgique des parcs fleuris de sa ville. Un constat amer partagé par Natalia : « Pour aller où ? Nous n’avons nulle part où retourner. Nous n’avons plus de maison. »
L’espoir en ultime recours
Malgré tout, Anna veut encore y croire. Pour elle, « les rêves sont ce qui nous pousse à continuer à vivre ». Alors elle appelle chacun à « rêver, espérer, attendre » et promet que « tout deviendra réalité. » Des mots réconfortants, même si l’avenir de l’Ukraine reste plus qu’incertain. Face à la puissance de feu russe, Kiev s’inquiète du possible revirement américain si Donald Trump, partisan d’une fin rapide du conflit quitte à céder des territoires, revenait au pouvoir.
Le destin de Bakhmout, comme celui de millions d’Ukrainiens, est suspendu aux aléas de la guerre et de la géopolitique. Mais ce soir, la musique et les souvenirs offrent un répit salvateur à ces exilés, leur permettant d’imaginer, le temps d’une mélodie, que leur ville renaîtra un jour de ses cendres.