Dans les jours qui ont suivi le passage dévastateur du cyclone Chido sur l’île française de Mayotte, les réactions ont été pour le moins contrastées face à l’évacuation des fonctionnaires. Alors que certains y ont vu un soulagement nécessaire au vu de l’ampleur des dégâts, d’autres l’ont perçu comme une fuite, une trahison envers la population mahoraise durement touchée. Une situation qui cristallise les tensions sur fond de crise humanitaire et de reconstruction.
Un départ anticipé source de critiques
Dès l’annonce de la possibilité pour les fonctionnaires d’être évacués de Mayotte, des voix se sont élevées au sein de la communauté mahoraise pour dénoncer ce qui était perçu comme un abandon. Sur les réseaux sociaux, les qualificatifs de « fuyards » ou de « profiteurs » ont fusé à l’encontre de ceux souhaitant quitter l’île, même temporairement.
« Que les fonctionnaires restent à Mayotte, où l’on n’a jamais eu autant besoin d’eux. Ils partiront après ! »
– Zena Abdiladi Halidani, cadre hospitalière
Pour beaucoup, le sentiment que les « blancs » étaient privilégiés dans cette évacuation a renforcé un certain ressentiment communautaire. Une situation d’autant plus mal vécue que Mayotte fait déjà face à de nombreux défis sociaux et économiques.
Des fonctionnaires partagés entre soulagement et culpabilité
Du côté des fonctionnaires évacués, les sentiments sont mitigés. Si le soulagement de quitter une île dévastée et de se mettre en sécurité est palpable, beaucoup expriment aussi un certain malaise face aux critiques essuyées.
« Je laisse un gros poids derrière moi. Avec le cyclone, j’ai tout perdu. Mon boulot, c’est tout ce qui me reste. »
– Sophie, agente d’une collectivité territoriale
Certains témoignent avoir fait leur possible avant de partir, en aidant des voisins sinistrés, en participant bénévolement à des réparations. Une façon de contribuer malgré tout à l’effort collectif post-cyclone.
« J’ai donné toutes mes fringues aux victimes de Chido et aidé à réparer le toit de mon école. J’ai fait ma part. Je ne me sens pas coupable de partir. »
– Delphine Petit, enseignante
Des conditions de vie dégradées
C’est d’ailleurs souvent l’argument des conditions sanitaires et matérielles très difficiles qui est avancé par ces fonctionnaires pour justifier leur départ. Beaucoup décrivent un quotidien fait de coupures d’eau et d’électricité, de pénuries, de logements endommagés voire inhabitables.
« On n’avait plus d’eau courante, ni d’électricité. À un moment, on était obligé de se laver à la Cristalline ! »
– Une enseignante évacuée
Dans ce contexte, certains actifs soulignent que leur présence sur place était devenue plus une charge qu’une aide, faute de pouvoir travailler dans des conditions décentes. Un argument qui ne convainc cependant pas l’ensemble de la population mahoraise.
Le spectre des tensions communautaires
Plus largement, cette polémique fait resurgir le spectre de tensions intercommunautaires qui travaillent depuis longtemps la société mahoraise. Département français depuis 2011, Mayotte connaît une situation socio-économique très dégradée et doit faire face à une forte immigration clandestine venue des Comores voisines.
Dans ce contexte, la question du départ des fonctionnaires « blancs » vient raviver des plaies profondes et souligner les inégalités criantes qui minent le territoire. Un clivage que le passage du cyclone Chido a rendu plus palpable encore.
La solidarité et la reconstruction en question
Au-delà des controverses, l’enjeu à court terme pour Mayotte reste l’assistance aux populations sinistrées et le redémarrage des services publics essentiels. Un défi qui ne pourra être relevé qu’au prix d’une mobilisation générale où chacun aura un rôle à jouer.
Selon des sources proches du dossier, le retour progressif des fonctionnaires évacués dans les semaines à venir est acté pour participer aux efforts de reconstruction. Les modalités précises restent à définir mais le gouvernement semble avoir pris la mesure des attentes de la population mahoraise en la matière.
Si le chemin de la résilience sera long et ardu pour Mayotte, il en passe sans doute par une forme d’unité retrouvée. Au-delà des divergences, c’est bien la capacité du territoire à faire bloc et à avancer ensemble qui sera déterminante pour surmonter cette épreuve. Un défi autant humain que matériel.