C’est une Allemagne en deuil et sous tension qui s’apprête à célébrer Noël cette année. Vendredi dernier, une attaque à la voiture-bélier sur le marché de Noël de Magdebourg, dans le nord-est du pays, a fait 5 morts et plus de 200 blessés. Le choc et l’émotion ont rapidement cédé la place aux questions et aux divisions, à deux mois d’élections législatives déjà placées sous haute tension.
Un appel solennel à l’unité nationale
Face à ce drame, le président de la République Frank-Walter Steinmeier a tenu à s’adresser aux Allemands à l’occasion de son allocution de Noël. Évoquant « l’ombre » jetée sur les fêtes de fin d’année, il a appelé ses concitoyens à ne pas céder à la peur et à la division :
Beaucoup auront le cœur lourd en cette période de Noël. Beaucoup seront bouleversés, inquiets, peut-être même effrayés. Tous ces sentiments sont compréhensibles. Mais ils ne doivent pas nous dominer, ni nous paralyser.
Frank-Walter Steinmeier, Président de la République fédérale d’Allemagne
Un message d’unité et de cohésion martelé tout au long de son discours. « La haine et la violence ne doivent pas avoir le dernier mot. Ne nous laissons pas diviser. Restons unis ! », a-t-il exhorté, appelant les Allemands à faire front commun face à l’adversité.
L’ombre de l’extrémisme
Cet appel prend tout son sens alors que les circonstances de l’attaque font craindre une possible récupération politique. Selon des sources proches de l’enquête, l’auteur présumé de l’attaque, un ressortissant saoudien de 50 ans, aurait à de multiples reprises exprimé des opinions hostiles à l’islam et soutenu des thèses complotistes et xénophobes sur les réseaux sociaux.
Des éléments qui ont rapidement été repris par l’extrême droite allemande. Le parti Alternative pour l’Allemagne (AfD) n’a pas tardé à instrumentaliser le drame, organisant dès lundi soir un rassemblement à Magdebourg pour dénoncer la politique migratoire du gouvernement. Devant une foule de plusieurs milliers de personnes, sa coprésidente Alice Weidel a réclamé « du changement pour que nous puissions enfin vivre de nouveau en sécurité ».
La peur d’une campagne électorale explosive
Des prises de position qui font craindre le pire à deux mois des élections législatives anticipées du 23 février. Crédité d’environ 20% des intentions de vote dans les sondages, l’AfD compte bien surfer sur les peurs et le traumatisme de l’attaque de Magdebourg pour imposer ses thèmes de prédilection dans le débat public.
Face à cette offensive, les partis traditionnels semblent pour l’heure en difficulté. Pressé de toute part, le gouvernement d’Olaf Scholz a promis une enquête rapide et minutieuse pour faire toute la lumière sur les circonstances et d’éventuelles failles dans la prévention de l’attaque. Mais beaucoup s’interrogent sur sa capacité à contenir le déferlement de haine et d’amalgames.
La société civile se mobilise
Dans ce contexte délétère, des voix s’élèvent cependant pour appeler au calme et à la raison. Lundi soir, en réponse au rassemblement de l’AfD, environ 4000 personnes se sont réunies à l’appel d’une initiative anti-haine pour former une chaîne humaine dans le centre de Magdebourg.
Nous constatons avec effroi et colère que des personnes veulent instrumentaliser cet acte cruel pour leur politique.
Un représentant du mouvement « Ne donne aucune chance à la haine »
Un symbole fort, qui témoigne de la volonté d’une partie de la société civile allemande de ne pas céder aux sirènes de la division. Reste à savoir si cela suffira à apaiser les esprits et à contenir les tensions politiques dans les semaines à venir.
Une chose est sûre : l’Allemagne entre dans une période trouble de son histoire. Confrontée à ses vieux démons, saura-t-elle faire bloc et réaffirmer les valeurs de tolérance et d’ouverture qui ont fait sa force depuis la Seconde Guerre mondiale ? C’est tout l’enjeu des prochains mois, qui s’annoncent décisifs pour l’avenir du pays.