Alors qu’un accord venait tout juste d’être signé pour apaiser les tensions, de violents affrontements ont éclaté lundi à la frontière entre la Somalie et l’Éthiopie, faisant plusieurs morts. Retour sur cet incident qui vient ébranler le fragile équilibre de la région.
Une attaque meurtrière à la frontière
Selon des sources proches des autorités somaliennes, les forces éthiopiennes ont lancé une offensive lundi matin contre plusieurs bases de l’armée, de la police et des services de renseignement somaliens situées près de la piste d’atterrissage de la ville frontalière de Doolow, dans la région semi-autonome du Jubaland.
L’attaque, survenue aux alentours de 10h heure locale, a fait un nombre encore indéterminé de victimes dans les rangs somaliens. Le ministre somalien des Affaires étrangères a vivement condamné cette offensive, intervenant à peine quelques jours après un accord censé ramener le calme entre les deux pays.
Des versions contradictoires
Mais du côté de l’État régional du Jubaland, on donne une tout autre version des faits. Selon des responsables locaux, les troupes éthiopiennes stationnées à Doolow dans le cadre d’une mission de maintien de la paix contre les insurgés islamistes seraient en réalité intervenues pour protéger une délégation d’hommes politiques du Jubaland menacée par les forces somaliennes.
« L’incident a débuté quand les forces fédérales présentes ont reçu l’ordre de tirer sur un avion transportant des membres du gouvernement et du parlement du Jubaland », a déclaré le ministre de la Sécurité de l’État régional lors d’une conférence de presse. S’en serait suivi un échange de tirs jusqu’à ce que « les forces pro-Jubaland et les Éthiopiens prennent le dessus ».
Escalade des tensions
Cet incident s’inscrit dans un contexte de vives tensions entre le gouvernement central somalien et les autorités du Jubaland, qui s’affrontent régulièrement pour le contrôle de zones stratégiques. Des désaccords politiques qui se traduisent souvent par des affrontements armés.
La Somalie est en effet une fédération d’États régionaux semi-autonomes, aux velléités indépendantistes plus ou moins affirmées, source de conflits récurrents avec Mogadiscio. Une instabilité chronique qui complique les efforts de paix et de développement dans le pays.
Un accord de paix fragilisé
Les violences de lundi viennent sérieusement menacer l’accord trouvé il y a peu entre la Somalie et l’Éthiopie, sous l’égide de la Turquie. Un compromis accueilli avec soulagement par la communauté internationale, inquiète des tensions croissantes dans la région depuis qu’Addis-Abeba a signé un accord pour louer un port au Somaliland, région séparatiste du nord de la Somalie.
Si les détails de l’accord n’ont pas été dévoilés, il semblait ouvrir la voie à une normalisation des relations et une coopération accrue entre les deux voisins de la Corne de l’Afrique. Mais les affrontements de Doolow viennent rappeler la fragilité de ce genre d’arrangements tant que les différends politiques internes à la Somalie ne seront pas réglés.
Inquiétudes pour la stabilité régionale
Cette escalade soudaine inquiète les observateurs, tant elle fait peser de lourdes menaces sur la stabilité, déjà précaire, de toute la région. Entre conflits frontaliers, rébellions internes, terrorisme islamiste et tensions communautaires, la Corne de l’Afrique reste l’une des zones les plus instables et explosives du continent.
De nombreux experts appellent à une implication accrue de la communauté internationale, notamment de l’Union Africaine et de l’ONU, pour tenter de déminer les différends entre États et aider la Somalie à résoudre ses crises internes. Sans quoi, préviennent-ils, le pays risque de sombrer dans un nouveau cycle de violences aux conséquences potentiellement dévastatrices pour toute la région.
Une population civile en première ligne
Comme souvent, ce sont les populations civiles qui paient le plus lourd tribut de ces affrontements à répétition. Déjà durement éprouvées par des décennies de guerre, de pauvreté et d’instabilité politique, elles voient leurs maigres espoirs de paix et de développement anéantis par ces violences.
« Nous sommes fatigués de ces combats sans fin. Nous voulons juste vivre en paix et offrir un avenir à nos enfants. Mais comment faire quand notre quotidien n’est fait que de peur et de désolation ? »
– Fadumo, habitante de Doolow
Un cri du cœur qui en dit long sur le désespoir et la lassitude de toute une population prise en étau entre les ambitions rivales de ses dirigeants et la menace constante des groupes armés. Un sombre tableau qui ne pourra s’éclaircir sans une mobilisation concertée en faveur du dialogue et de la réconciliation nationale.
Pour la Somalie comme pour toute la Corne de l’Afrique, l’heure est plus que jamais à l’apaisement et à la construction patiente des conditions d’une paix et d’un développement durables. Un immense défi qui nécessitera l’engagement sans faille de tous les acteurs, nationaux comme internationaux.