En cette fin d’année 2024, le secteur industriel français traverse une période difficile. Faillites en hausse, concurrence américaine exacerbée, flambée des coûts énergétiques… C’est dans ce contexte que Marc Ferracci est reconduit au ministère de l’Industrie, au sein du nouveau gouvernement de François Bayrou. Un poste stratégique mais périlleux, qu’il occupait déjà sous le précédent exécutif. Cet économiste de formation aura la lourde tâche de défendre la politique industrielle de l’exécutif et de soutenir des chefs d’entreprise en plein désarroi. Portrait d’un ministre au défi.
Un proche historique d’Emmanuel Macron
Âgé de 42 ans, Marc Ferracci est un visage bien connu de la macronie. Cet ancien élève de Sciences Po a tissé des liens étroits avec le Président de la République. Les deux hommes ont été témoins au mariage l’un de l’autre. En 2017, ce spécialiste des questions d’emploi et de travail avait d’ailleurs participé à l’élaboration du programme présidentiel. Son épouse, Sophie Ferracci, a quant à elle dirigé le cabinet d’Emmanuel Macron lorsque celui-ci était ministre de l’Économie en 2016.
Un profil d’expert en économie
Titulaire d’un doctorat en sciences économiques, Marc Ferracci a d’abord mené une carrière universitaire. Maître de conférences à l’Université Paris-Est puis professeur à Sciences Po, il s’est spécialisé dans l’évaluation des politiques publiques de l’emploi. Un sujet sur lequel il a publié de nombreux travaux et rapports. En parallèle, il a conseillé plusieurs ministres, de droite comme de gauche, sur ces questions.
Des débuts remarqués à Bercy
Lors du premier quinquennat Macron, Marc Ferracci fait son entrée au gouvernement en tant que conseiller spécial de la ministre du Travail Muriel Pénicaud. Il participe notamment à l’élaboration des ordonnances réformant le code du travail. Son influence grandissante lui vaut d’être nommé secrétaire d’État chargé de la Promotion du Tourisme en 2021. Un poste qu’il n’occupera que quelques mois avant de devenir ministre délégué à l’Industrie suite à la réélection d’Emmanuel Macron en 2022.
Un premier passage apprécié à l’Industrie
Durant ses deux années au ministère de l’Industrie, Marc Ferracci s’attèle à mettre en œuvre le plan «France 2030» initié par le président. L’objectif : moderniser et verdir l’appareil productif français. Des milliards d’euros sont ainsi débloqués pour soutenir l’innovation dans des secteurs jugés stratégiques comme les semi-conducteurs, le nucléaire, l’hydrogène ou encore l’intelligence artificielle. Le ministre s’attache aussi à renforcer l’attractivité du territoire pour les investissements étrangers.
Avec France 2030, nous engageons la reconquête industrielle de notre pays. Notre ambition est claire : faire de la France la première nation innovante et souveraine d’Europe.
Marc Ferracci, lors du lancement du plan France 2030 en octobre 2022
Les chantiers prioritaires du nouveau ministre
Pour son deuxième passage rue de Grenelle, Marc Ferracci va devoir gérer une situation économique très dégradée. Outre les faillites d’entreprises en série, il doit faire face à la concurrence de plus en plus agressive des États-Unis. Le président Biden a en effet lancé un vaste plan de subventions et d’aides à l’industrie américaine qui menace directement les groupes européens. La France pousse pour une riposte coordonnée au niveau de l’UE.
L’autre grand défi est celui de la décarbonation de l’industrie, responsable d’environ 20% des émissions de gaz à effet de serre du pays. Le gouvernement va devoir accélérer la transition énergétique des sites de production, tout en préservant leur compétitivité face à la flambée des prix de l’électricité et du gaz. Un équilibre périlleux à trouver.
Un ministre sous pression
Malgré ces vents contraires, l’exécutif attend des résultats rapides de son ministre de l’Industrie. Emmanuel Macron a fait de la « réindustrialisation » du pays une priorité de son second quinquennat. L’objectif est de recréer au moins 100 000 emplois industriels d’ici 2027, en relocalisant certaines productions et en développant de nouvelles filières. Un pari ambitieux vu le contexte actuel.
Pour atteindre ses objectifs, Marc Ferracci va devoir faire preuve de pédagogie et de fermeté. Pédagogie pour expliquer aux Français la stratégie du gouvernement et les efforts nécessaires à court terme. Fermeté pour obtenir des entreprises les investissements et engagements indispensables dans un contexte tendu. Sa proximité avec le chef de l’État sera un atout pour peser dans les arbitrages budgétaires et réglementaires.
Une feuille de route semée d’embûches
Parmi les dossiers brûlants qui attendent Marc Ferracci, on peut citer :
- La renégociation du cadre européen des aides d’État à l’industrie pour contrer les subventions américaines
- La consolidation des filières automobile, aéronautique et électronique, très touchées par la crise
- L’accélération du déploiement de petits réacteurs nucléaires (SMR) pour garantir l’approvisionnement énergétique
- Le soutien aux industries de santé et de défense pour renforcer la souveraineté du pays
Dans un contexte social très tendu, marqué par de nombreux mouvements de contestation contre la réforme des retraites, le gouvernement jouera aussi gros sur le front de l’emploi industriel. Toute fermeture d’usine ou suppression massive d’emplois pourrait mettre le feu aux poudres et contraindre l’exécutif à des concessions douloureuses.
Un bilan attendu au tournant
Conscient de ces enjeux, Marc Ferracci promet d’être un ministre de terrain, au plus proche des entreprises et des salariés. Lors de sa passation de pouvoir avec son prédécesseur, il a déclaré vouloir se rendre dans une usine par semaine pour prendre le pouls de l’industrie française. Celui que François Bayrou a qualifié de «meilleur connaisseur des rouages de notre économie» sait qu’il joue en partie l’avenir du gouvernement.
S’il parvient à enrayer le déclin industriel, voire à enclencher une dynamique positive, il renforcera la stature réformatrice et volontariste de l’exécutif. En revanche, si la crise s’aggrave et que les plans de soutien patinent, il risque de cristalliser les critiques et de fragiliser la position du président. Emmanuel Macron a fait un pari risqué en misant sur son ami pour ce maroquin stratégique. A Marc Ferraci de prouver que sa confiance était bien placée, dans un contexte économique et social des plus incertains.