Un rebondissement spectaculaire secoue actuellement les relations entre le Bangladesh et l’Inde. Lundi, le gouvernement bangladais a officiellement demandé à son voisin indien d’extrader l’ancienne Première ministre Sheikh Hasina, réfugiée en Inde depuis plusieurs mois, afin qu’elle soit jugée dans son pays pour les crimes commis durant ses 15 années au pouvoir.
Une fuite précipitée après des manifestations massives
Tout a basculé le 5 août dernier. Après des semaines d’intenses protestations populaires contre son régime, Sheikh Hasina a dû fuir en urgence la capitale Dacca à bord d’un hélicoptère, au moment même où des milliers de manifestants prenaient d’assaut le palais de la Première ministre. Celle qui dirigeait le Bangladesh d’une main de fer, avec le soutien de New Delhi, a trouvé refuge en Inde.
Mais aujourd’hui, le nouveau gouvernement intérimaire du Bangladesh entend bien la faire revenir pour qu’elle réponde de ses actes devant la justice. Selon une source proche du dossier, Dacca a transmis une note diplomatique à l’Inde pour exiger formellement son extradition.
Un mandat d’arrêt pour « massacres et crimes contre l’humanité »
Les charges qui pèsent sur l’ex-dirigeante sont accablantes. Un mandat d’arrêt a été émis à son encontre, la sommant de comparaître en novembre devant un tribunal pour répondre de « massacres, meurtres et crimes contre l’humanité ». Elle est tenue pour responsable de la brutale répression policière des manifestations qui a fait plus de 700 morts et précipité sa chute.
Depuis son départ, des dizaines de ses proches et alliés croupissent déjà en prison, accusés d’avoir participé à ces exactions. Car durant ses 15 années de règne, Sheikh Hasina a multiplié les violations des droits humains, emprisonnant et éliminant systématiquement ses opposants politiques.
L’Inde reste évasive sur l’extradition
Le ministère indien des Affaires étrangères a confirmé avoir reçu la demande d’extradition formulée par le Bangladesh. Mais pour l’instant, New Delhi se garde bien de dévoiler ses intentions. « Nous n’avons pas de commentaire à faire à ce sujet », a sobrement déclaré un porte-parole indien.
Le Bangladesh a prévenu qu’il demanderait à Interpol d’émettre une « notice rouge », sorte de mandat d’arrêt international, contre Sheikh Hasina et les autres responsables en fuite de son régime déchu. Mais même si l’Inde est membre d’Interpol, rien ne l’oblige à livrer l’ex-Première ministre, chaque pays appliquant ses propres lois en matière d’extradition.
L’avenir politique de Sheikh Hasina en suspens
Si elle devait être renvoyée au Bangladesh pour y être jugée, ce serait un coup d’arrêt définitif pour la carrière politique de Sheikh Hasina. Après avoir dirigé le pays pendant 15 ans, de 2009 à 2023, elle avait dû lâcher le pouvoir sous la pression de la rue. Mais beaucoup pensent qu’elle nourrissait l’espoir d’un retour en force si la situation venait à se calmer.
Un procès pourrait enterrer définitivement ces ambitions. Surtout si les accusations de crimes contre l’humanité sont avérées. Hasina risquerait alors de très lourdes peines de prison.
Le régime de Sheikh Hasina a été l’un des plus brutaux et liberticides de l’histoire récente du Bangladesh. Les familles des victimes attendent maintenant que justice soit faite.
– Un avocat des droits de l’homme
De son côté, le gouvernement intérimaire qui a pris les rênes du Bangladesh tente de restaurer un climat apaisé et de remettre le pays sur les rails de la démocratie. Des élections anticipées pourraient être organisées d’ici la fin de l’année si la situation le permet.
Mais la grande inconnue reste la position de l’Inde, soutien historique de Sheikh Hasina. Si New Delhi accepte de la livrer, elle devra répondre de ses actes devant ses compatriotes. Sinon, elle pourrait rester en exil en Inde, laissant planer la menace d’un retour. Un choix lourd de conséquences pour l’avenir du Bangladesh.