Au Mozambique, l’investiture du nouveau président Daniel Chapo, prévue le 15 janvier, s’annonce sous haute tension. Son élection, validée lundi par le Conseil constitutionnel malgré de nombreuses irrégularités, passe mal dans un pays à l’économie exsangue et meurtri par des violences.
Propulsé en mai dernier candidat surprise du parti historique Frelimo, Daniel Chapo, 47 ans, gouverneur provincial sans envergure nationale, a remporté un scrutin contesté avec 65,17% des voix. Il doit succéder le 15 janvier au président Filipe Nyusi, 65 ans, qui ne pouvait briguer un troisième mandat.
Une victoire en demi-teinte sur fond de violences
Le Conseil constitutionnel a validé les résultats rabotant la victoire de Chapo de 5 points. Mais le scrutin du 9 octobre est entaché de nombreuses irrégularités pointées par les observateurs internationaux. Surtout, l’annonce des résultats a déclenché un cycle de manifestations violemment réprimées.
Depuis deux mois, le décompte macabre ne cesse de s’alourdir. Selon des ONG locales, les affrontements entre manifestants et forces de l’ordre ont fait au moins 130 morts, en majorité par balles. Une situation qui ravive le spectre de la guerre civile (1975-1992) qui hante encore les esprits.
Tensions au sommet de l’État
Dans ce climat explosif, l’opposition conteste la victoire de Chapo et accuse le président sortant Filipe Nyusi de vouloir s’accrocher au pouvoir. Un « soulèvement populaire d’une ampleur jamais vue » a été appelé pour lundi, trois jours avant la passation de pouvoir prévue.
Car Chapo, candidat de compromis issu d’un parti Frelimo déchiré par les luttes de factions, n’était pas le choix initial de Nyusi. « Donc il y a peu d’amour entre les deux », résume un analyste politique. La crise couve au plus haut sommet de l’État.
Le profil de Daniel Chapo, président par accident
Mais qui est vraiment Daniel Chapo, propulsé comme un missile à la tête de ce pays lusophone de 33 millions d’habitants, un des plus pauvres de la planète ? Outre son mandat de gouverneur, ce diplômé de droit passé par l’enseignement et la radio reste un mystère.
De ce colosse de grande taille, on sait peu de chose. Lors d’une campagne éclair, il a promis écoles, hôpitaux et essor économique. Mais aussi de mater l’insurrection jihadiste qui ensanglante le nord du pays depuis 2017, au détriment des mégaprojets gaziers.
Car c’est là le grand défi de Chapo : ramener la sécurité pour restaurer la confiance des investisseurs comme TotalEnergies qui ont gelé leurs projets. L’avenir économique du pays est en jeu. Mais beaucoup doutent de la capacité de ce novice à s’imposer.
Un président « influençable » à la légitimité contestée
Issu de l’appareil du Frelimo qu’il a intégré comme administrateur local en 2015, Chapo a gravi les échelons. Mais sans jamais émerger. « Les différentes factions ont compris qu’il était le plus facile à influencer », juge un expert. Sur les nominations ou les dossiers sécuritaires.
« Personne ne pouvait croire à sa nomination parce qu’on n’avait jamais entendu parler de lui. »
– Un analyste politique local
Arrivé par accident dans un pays à genoux, Daniel Chapo va devoir s’imposer dans un parti qui dévore ses enfants. Sa légitimité est déjà entachée par une élection sanglante aux allures de holdup. Parviendra-t-il à s’extirper de l’ombre de ses barons ? L’avenir tourmenté du Mozambique est suspendu à la réponse.