La chute du régime de Bachar al-Assad en Syrie le 8 décembre dernier, après plus de 10 ans de guerre civile sanglante, redistribue les cartes dans la région. Un nouvel acteur émerge sur le devant de la scène : les Kurdes syriens, alliés de longue date des États-Unis dans la lutte contre l’État islamique. Mais leur montée en puissance au nord du pays inquiète leur voisin turc qui les considère comme une extension de son ennemi juré, le PKK.
Depuis plusieurs semaines, Ankara soutient des groupes armés dans une offensive contre les Forces démocratiques syriennes (FDS), une coalition à dominante kurde qui contrôle une large portion du nord de la Syrie. Des affrontements ont déjà eu lieu entre factions pro-turques et les FDS, faisant craindre une nouvelle escalade militaire dans une Syrie déjà dévastée.
L’Allemagne appelle à la désescalade
Face à ce regain de tensions, l’Allemagne monte au créneau. La ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock a mis en garde la Turquie contre un durcissement du conflit :
Une guerre de la Turquie contre les Kurdes en Syrie « ne doit pas avoir lieu ». Cela n’aiderait personne.
Annalena Baerbock, ministre allemande des Affaires étrangères
Selon elle, si le groupe État islamique en profitait pour refaire surface, cela représenterait « un danger pour la sécurité de la Syrie, de la Turquie et de l’Europe ». Il ne faut pas oublier le rôle crucial qu’ont joué les forces kurdes pour repousser les jihadistes de l’EI qui avaient commis de terribles exactions en Syrie et en Irak.
Éviter un nouveau cycle de violences
La situation post-Assad en Syrie reste très instable. Le pays est morcelé entre zones contrôlées par le régime, les rebelles, les Kurdes et les Turcs. La priorité doit être d’éviter un nouveau cycle de violences qui ferait le jeu des groupes extrémistes.
Comme le souligne Annalena Baerbock, la conjoncture actuelle « ne doit pas être utilisée pour que les Kurdes soient à nouveau chassés, pour qu’il y ait à nouveau de la violence. » Un appel à la retenue qui vaut pour toutes les parties impliquées.
Les Kurdes, un allié précieux contre l’EI
Lors d’une récente visite à Washington, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a réaffirmé que les FDS à dominante kurde étaient « essentielles » pour empêcher une résurgence de l’EI en Syrie. Un message clair envoyé à la Turquie qui doit composer avec cet acteur incontournable.
Reste à voir si ces mises en garde suffiront à tempérer les ardeurs d’Ankara. La Turquie argue de son droit à défendre sa sécurité nationale face à ce qu’elle considère comme une menace terroriste à ses frontières. Mais une invasion du nord de la Syrie aurait des conséquences désastreuses pour toute la région.
Trouver un équilibre précaire
La Syrie tente de se remettre d’une décennie de guerre qui a fait des centaines de milliers de morts et des millions de déplacés. Le départ de Bachar al-Assad ouvre une nouvelle page mais les défis restent immenses pour stabiliser et reconstruire le pays.
Il faudra trouver un équilibre entre les différentes factions sur le terrain, tout en évitant une internationalisation accrue du conflit. Un exercice périlleux qui nécessitera l’engagement de tous, des acteurs locaux comme des puissances régionales et internationales, Russie et États-Unis en tête.
Dans ce contexte, la voix de l’Allemagne qui appelle au dialogue et à la désescalade est plus que jamais nécessaire. Il en va de l’avenir de la Syrie et de la stabilité de tout le Moyen-Orient. Espérons qu’elle sera entendue.