Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a lancé de vives critiques à l’encontre du Premier ministre slovaque Robert Fico suite à sa visite surprise à Moscou dimanche. Zelensky accuse Fico de vouloir « aider » Vladimir Poutine « à gagner de l’argent pour financer la guerre » contre l’Ukraine, en pleine tension autour du transit de gaz russe vers l’Union européenne.
La Slovaquie, très dépendante du gaz russe, reproche à l’Ukraine sa décision de ne pas renouveler le contrat la liant à la Russie jusqu’à fin 2024 pour le transit via son vaste réseau de gazoducs. Kiev avait fait savoir l’été dernier qu’elle stopperait ce transit, près de trois ans après le début de l’invasion russe.
Zelensky : Fico veut « affaiblir l’Europe » en aidant Poutine
Mais selon Volodymyr Zelensky, Robert Fico ne cherche pas de solutions alternatives pour remplacer le gaz russe et garantir « l’indépendance énergétique » européenne. Dans un message au ton sévère publié sur X (ex-Twitter), le président ukrainien a accusé :
Cela suggère qu’il veut aider Poutine à gagner de l’argent pour financer la guerre et affaiblir l’Europe.
« Nous perdons des gens à cause de la guerre que Poutine a lancée, et nous pensons qu’une telle aide à Poutine est immorale », a-t-il martelé. Zelensky affirme que le « but principal » de Fico « est de faire des affaires avec la Russie », s’interrogeant : « Pourquoi ce dirigeant est-il si dépendant de Moscou ? ». Il a même suggéré que le Premier ministre slovaque pouvait être « payé » par le Kremlin.
Fico, proche de Poutine, stoppe l’aide militaire à l’Ukraine
Robert Fico, dont le pays est membre de l’UE et de l’Otan, fait partie des rares dirigeants européens restés proches de Vladimir Poutine malgré la guerre en Ukraine. Il a notamment décidé de stopper toute aide militaire à Kiev et plaide pour des pourparlers de paix.
Selon des sources proches du dossier, le Premier ministre slovaque a expliqué dimanche que sa visite surprise à Moscou était « en réponse » à la position de Volodymyr Zelensky sur le transit de gaz. Jeudi, le président ukrainien s’était prononcé contre un éventuel mécanisme permettant à l’Azerbaïdjan d’acheter du gaz russe et de le faire transiter, une des options envisagées pour maintenir l’approvisionnement européen.
Poutine prêt à « continuer de fournir du gaz à l’Occident »
Lors de leur entretien, Vladimir Poutine aurait confirmé à Robert Fico qu’il était disposé à « continuer de fournir du gaz à l’Occident et à la Slovaquie », ce qui sera « pratiquement impossible après le 1er janvier 2025 » selon le Premier ministre. Les deux dirigeants ont aussi évoqué le conflit en Ukraine et parlé de « possibilité d’une conclusion rapide et pacifique ».
De son côté, le Kremlin s’est contenté d’indiquer lundi que Poutine et Fico avaient discuté de l’Ukraine et du gaz, son porte-parole Dmitri Peskov estimant que la question des livraisons de gaz russe à l’Europe était « une situation très difficile qui nécessite une attention accrue ».
L’Ukraine au cœur des tensions sur le gaz russe
Cette passe d’armes verbale entre Zelensky et Fico illustre les fortes tensions autour de l’approvisionnement en gaz russe de l’Europe, dont l’Ukraine constituait jusqu’à présent une plaque tournante essentielle. Depuis le début de l’invasion russe en février 2022, Kiev a régulièrement accusé Moscou d’utiliser le gaz comme « arme » pour faire pression sur les Européens.
En décidant de ne plus faire transiter le gaz russe par son territoire à partir de 2025, l’Ukraine entend ainsi priver la Russie de revenus cruciaux pour financer sa machine de guerre. Mais cette décision place plusieurs pays européens, dont la Slovaquie, dans une position délicate, alors qu’ils peinent encore à trouver des alternatives viables au gaz russe dont ils restent très dépendants.
L’Union européenne cherche depuis des mois des solutions pour sécuriser ses approvisionnements en gaz à moyen terme, tout en accélérant sa transition vers les énergies renouvelables pour réduire sa dépendance aux hydrocarbures russes. Mais les divergences entre États membres et la complexité technique et géopolitique du dossier rendent difficile l’émergence d’un consensus.
Un dossier explosif pour les relations Ukraine-UE
Pour l’Ukraine, la question du transit gazier est devenue un sujet brûlant, tant sur le plan économique que diplomatique. Kiev y voit un levier crucial dans son bras de fer avec Moscou, mais aussi un test de la solidarité des Européens face à l’agression russe.
Les propos très durs de Volodymyr Zelensky envers Robert Fico témoignent de la nervosité de Kiev face aux voix dissonantes en Europe, alors que l’Ukraine a plus que jamais besoin d’un soutien uni et résolu de ses partenaires occidentaux. Cette polémique risque de jeter un froid sur les relations entre l’Ukraine et certaines capitales européennes, au moment où se profile un hiver potentiellement tendu sur le front énergétique.
Elle souligne aussi la difficulté pour l’UE à parler d’une seule voix sur ce dossier éminemment sensible, qui touche au cœur de sa sécurité énergétique et de ses intérêts géostratégiques. Entre la fermeté de l’Ukraine, les atermoiements de certains États membres et la pression de Moscou, l’Europe marche sur un fil dans ce jeu gazier à haut risque.