La Jordanie a exprimé son soutien à la reconstruction de la Syrie lors d’un entretien historique à Damas entre le chef de la diplomatie jordanienne, Ayman Safadi, et le nouveau dirigeant syrien, Ahmad al-Chareh. Cette rencontre, rapportée par la télévision d’État jordanienne, marque un tournant dans les relations entre les deux pays voisins après la chute de Bachar al-Assad il y a deux semaines.
Une collaboration dans divers domaines envisagée
Selon la chaîne Al-Mamlaka, Ayman Safadi a évoqué avec les nouvelles autorités syriennes des opportunités de coopération dans plusieurs secteurs clés :
- Commerce
- Gestion des frontières
- Aide humanitaire
- Interconnexions électriques
- Sécurité
Le ministre jordanien a souligné le soutien de son pays à « un gouvernement qui représente toutes les tendances en Syrie » ainsi qu’à « une nouvelle constitution ». Il a ajouté que « les pays arabes étaient d’accord pour soutenir la Syrie à ce stade sans aucune ingérence extérieure ».
Un sommet pour une transition inclusive et pacifique
La Jordanie, qui partage 375 kilomètres de frontière avec la Syrie, avait accueilli début décembre un sommet réunissant de hauts diplomates arabes, turcs, européens et américains. Les participants avaient appelé à une transition inclusive et pacifique après des années de guerre civile, déclenchée en 2011 suite à la répression sanglante de manifestations prodémocratie par le pouvoir syrien.
Le retour des réfugiés syriens
Depuis le début du conflit, la Jordanie a accueilli environ 1,3 million de déplacés syriens, dont quelque 680 000 sont enregistrés auprès du Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés. Avec la chute de Bachar al-Assad, plus de 7 000 Syriens sont déjà rentrés chez eux depuis les frontières jordaniennes, comme l’a annoncé le ministère jordanien de l’Intérieur.
La stabilité de la Syrie permettrait au royaume de « garantir la sécurité à ses frontières »
Mohamed Moumani, porte-parole du gouvernement jordanien
Lutter contre le trafic de drogue à la frontière
Au cours des dernières années, la Jordanie a affirmé faire face à un trafic de drogue devenu « plus organisé » à travers la frontière syro-jordanienne, avec la protection de groupes armés. Le royaume a annoncé à plusieurs reprises des opérations à la frontière syrienne contre le trafic d’armes et de drogues, notamment le captagon.
Cette rencontre de haut niveau entre responsables jordaniens et syriens ouvre la voie à une nouvelle ère de coopération entre les deux pays. La Jordanie entend jouer un rôle clé dans la reconstruction et la stabilisation de la Syrie, tout en veillant à la sécurité de ses propres frontières et en facilitant le retour des réfugiés syriens.
Les défis de la reconstruction syrienne
La reconstruction de la Syrie s’annonce comme un chantier titanesque après plus d’une décennie de guerre civile qui a dévasté le pays. Outre les destructions matérielles massives, le pays doit faire face à de nombreux défis :
- Réconciliation nationale et dialogue politique inclusif
- Retour et réintégration des millions de déplacés et réfugiés
- Relance de l’économie et des services de base
- Déminage et reconstruction des infrastructures
- Réforme des institutions et de la gouvernance
Le soutien de la communauté internationale, et notamment des pays arabes voisins comme la Jordanie, sera crucial pour accompagner la Syrie dans cette phase de reconstruction et de transition. La stabilité et la prospérité de la région en dépendent.
Il faudra cependant veiller à ce que ce processus soit mené de manière transparente, équitable et inclusive, en donnant la priorité aux besoins et aspirations du peuple syrien. La société civile et les communautés locales devront être étroitement associées à cet effort de reconstruction nationale.
Vers une nouvelle page dans les relations syro-jordaniennes ?
La visite d’Ayman Safadi à Damas, la première d’un haut responsable jordanien depuis la chute de Bachar al-Assad, marque un tournant dans les relations entre la Jordanie et la Syrie. Elle ouvre la voie à un réchauffement diplomatique et à une coopération renforcée entre les deux voisins.
La Jordanie semble déterminée à jouer un rôle moteur dans les efforts de stabilisation et de reconstruction en Syrie. Le royaume est directement concerné par la situation chez son voisin du nord, que ce soit en termes de sécurité, de gestion des flux de réfugiés ou de relance des échanges économiques.
Cette nouvelle dynamique dans les relations syro-jordaniennes s’inscrit plus largement dans le rapprochement en cours entre Damas et plusieurs capitales arabes. Après des années d’isolement, le régime syrien semble en passe de retrouver progressivement sa place dans le giron régional.
Les pays arabes étaient d’accord pour soutenir la Syrie à ce stade sans aucune ingérence extérieure.
Ayman Safadi, chef de la diplomatie jordanienne
Il faudra toutefois rester vigilant pour s’assurer que ce processus de normalisation diplomatique aille de pair avec de réelles avancées sur le plan politique en Syrie. La reconstruction du pays ne pourra être durable sans un règlement politique global du conflit, basé sur les résolutions internationales pertinentes comme la résolution 2254 du Conseil de sécurité de l’ONU.
La Jordanie aura un rôle important à jouer pour promouvoir un dialogue inter-syrien inclusif et soutenir les aspirations légitimes du peuple syrien à la paix, la démocratie et la justice. C’est à ce prix que la Syrie et la région pourront tourner définitivement la page sombre du conflit et s’engager sur la voie d’un avenir meilleur.