Sur la plage d’Hamouro au sud de Mayotte, le passage du cyclone Chido n’a pas seulement laissé des dégâts matériels. Il a aussi exacerbé les profondes fractures qui divisent la population de ce département français de l’océan Indien, tiraillé entre sa population autochtone et une importante communauté originaire des Comores voisines. Un cocktail explosif sur fond d’immigration incontrôlée et de contentieux historique.
Chido met à nu la grande précarité des migrants comoriens
Avec des vents dépassant les 200 km/h, le cyclone a emporté mi-décembre les fragiles habitations des bangas, ces vastes bidonvilles où s’entassent plus de 100 000 personnes, pour la plupart en situation irrégulière. Une précarité qui tranche avec le mode de vie des Mahorais de souche, constate avec amertume un agent d’entretien comorien :
C’est comme si on m’internait dans une prison.
– Saïd Doulfakir, 23 ans, bachelier mention bien sans papiers
Mais pour beaucoup de Mahorais, de tels parcours ne changent pas l’image très dégradée qu’ils ont des Comoriens, perçus comme des « envahisseurs » responsables de la délinquance galopante. Une méfiance ancrée dans l’histoire douloureuse entre ces deux territoires que tout oppose.
La naissance d’un « peuple ennemi »
Rattachée par la colonisation française aux Comores dont elle ne partageait pas les aspirations indépendantistes, Mayotte a choisi par référendum en 1974 de rester française, une décision jamais acceptée par Moroni. Depuis, les flux migratoires n’ont cessé de s’intensifier. Aujourd’hui, plus d’un tiers des 320 000 habitants de Mayotte sont des étrangers, principalement Comoriens, mettant sous pression les infrastructures de l’île.
Éducation, santé, eau : des services publics débordés
Selon les autorités, 65% des détenus de la prison de Majicavo sont étrangers, presque tous comoriens. Trois quarts des nouveau-nés ont une mère « clandestine ». Cette sur-sollicitation des services attise le ressentiment. Et avec Chido, les accusations de vols se déchaînent contre ces Comoriens soupçonnés d’avoir pillé les habitations dévastées pour reconstruire leurs bangas.
L’État français montré du doigt
Pour Safina Soula, la présidente du collectif des citoyens de Mayotte 2018, l’État est responsable en « distribuant comme des petits pains » des titres de séjour aux Comoriens. Un laxisme dénoncé par certains politiques comme le ministre de l’Intérieur démissionnaire Bruno Retailleau, qui accuse les Comores de « pousser des populations vers Mayotte pour susciter une sorte d’occupation clandestine ».
Reconstruire avec les Comores, seule issue ?
Face à cette poudrière, Emmanuel Macron a promis d’accélérer les reconduites à la frontière, visant 35 à 40 000 expulsions par an contre 25 000 actuellement. Mais pour l’avocat franco-comorien Saïd Larifou, la solution est ailleurs. Seul un changement de régime aux Comores, pour endiguer le « désespoir » poussant ses ressortissants à l’exil, pourra apaiser durablement les tensions communautaires qui menacent la fragile stabilité de Mayotte.