Imaginez une rue enneigée bordée de bâtiments anciens, éclairée par la lueur orangée des lampadaires à la tombée de la nuit. Voilà le décor féérique qu’offre Ginzan Onsen, une station thermale nichée dans les montagnes du département de Yamagata au Japon. Mais derrière ces paysages de carte postale se cache une réalité moins idyllique : celle du surtourisme qui menace l’équilibre de ce joyau nippon.
L’afflux de touristes met à rude épreuve ce lieu d’exception
Malgré sa situation relativement isolée, Ginzan Onsen attire chaque année pas moins de 330 000 visiteurs, séduits par le charme photogénique de ses ruelles enneigées. Les réseaux sociaux regorgent de clichés mettant en scène cette atmosphère unique, entre tradition nippone et décor de conte hivernal. Mais cet engouement a un prix pour la petite localité :
- Embouteillages causés par des voitures non équipées pour la neige
- Difficulté d’accès pour les véhicules d’urgence en raison de la congestion
- Mécontentement des locaux face aux incivilités de certains touristes
Face à ces problèmes grandissants, les autorités ont décidé d’agir pour préserver ce trésor national. Comme l’explique Takayuki Saito, responsable du commerce et du tourisme pour la municipalité d’Obanazawa dont dépend Ginzan Onsen :
Nous avons entendu parler de cas où des véhicules d’urgence n’ont pas pu atteindre Ginzan Onsen en raison des embouteillages. Conduire à cet endroit peut être dangereux avec une mauvaise visibilité dans les tempêtes de neige.
Des restrictions d’accès pour réguler les flux de visiteurs
Dès cet hiver, seules les personnes séjournant dans les hôtels de la station seront autorisées à y accéder en voiture après 20h. Les visiteurs à la journée devront garer leur véhicule à 2km de là et emprunter une navette payante. Le site officiel de Ginzan Onsen justifie ces mesures par la multiplication des incivilités :
Cette décision a été prise après des années de débat, citant des cas où des employés municipaux venant aider des automobilistes bloqués par la neige ont été injuriés, des comportements intolérables.
Mais Ginzan Onsen est loin d’être un cas isolé au pays du Soleil-Levant. D’autres lieux emblématiques comme le Mont Fuji ou Kyoto font aussi face aux défis du surtourisme. Le Japon a en effet connu en 2023 une affluence record, avec déjà plus de 33 millions de visiteurs étrangers de janvier à novembre, soit davantage que sur toute l’année 2019 pourtant record.
Vers un nécessaire tourisme durable pour préserver les trésors nippons
Si le boom du tourisme représente une opportunité économique indéniable pour le Japon, il soulève aussi la question de la préservation de son patrimoine naturel et culturel unique. Des voix s’élèvent pour appeler à repenser les modèles touristiques actuels :
- Miser sur la qualité plutôt que la quantité en attirant une clientèle à haute valeur ajoutée
- Mieux répartir les flux en promouvant des destinations moins connues
- Responsabiliser et sensibiliser les visiteurs au respect des lieux et des populations
- Impliquer les communautés locales dans le développement d’un tourisme durable et équitable
Ces défis ne sont pas propres au Japon. De plus en plus de destinations prisées à travers le monde prennent des mesures pour concilier attractivité touristique et préservation de leur identité. Venise, Barcelone, Dubrovnik… autant de villes qui tentent de reprendre le contrôle face aux dérives du tourisme de masse.
L’exemple de Ginzan Onsen montre qu’un lieu, même confidennel, peut vite être aspiré par le tourbillon du surtourisme dès lors que sa notoriété explose sur les réseaux sociaux. Il illustre l’urgence de repenser notre manière de voyager, pour que ces pépites gardent leur magie et que les retombées profitent en premier lieu à ceux qui y vivent. Loin des selfies et des likes éphémères, c’est un tourisme plus responsable et porteur de sens que nous sommes tous appelés à construire.