C’est un moment chargé d’émotion et d’histoire qui s’est déroulé au musée du Louvre ce mardi. Deux natures mortes néerlandaises du 17e siècle, spoliées pendant l’Occupation et exposées au Louvre depuis les années 1950, ont été restituées aux 48 ayants droit de la famille Javal. Ces derniers en ont fait don au célèbre musée parisien, perpétuant ainsi la mémoire de leur famille marquée par la Shoah.
Des chefs-d’œuvre témoins de l’histoire
Les deux tableaux, Nature morte au jambon de Floris van Schooten et Mets, fruits et verre sur une table de Peter Binoit, datent des années 1620-1630. Ils appartenaient à la famille Javal, une famille juive française originaire d’Alsace. En 1944, l’hôtel particulier de Mathilde Javal, situé boulevard de la Tour-Maubourg à Paris, est occupé et vidé par les nazis. Les œuvres d’art de la famille sont alors spoliées.
C’est un devoir de mémoire envers ma famille, spoliée et persécutée, dont l’histoire parle aux générations actuelles.
– Une des ayants droit de la famille Javal
Un long chemin vers la restitution
À la fin de la guerre, environ 60 000 œuvres spoliées sont renvoyées en France. Malgré les demandes de restitution de Mathilde Javal dès 1945, les deux natures mortes n’ont pu être rendues, faute d’en identifier les propriétaires. Elles intègrent alors les collections des Musées Nationaux Récupération (MNR), sous la garde des musées nationaux en attendant d’être restituées.
Grâce à un travail de recherche minutieux mené par le ministère de la Culture, les Archives nationales et la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS), avec l’aide de généalogistes, les ayants droit de la famille Javal ont pu être retrouvés.
Un don empreint de mémoire et de transmission
En faisant don de ces œuvres au Louvre, les descendants de la famille Javal, dont cinq membres ont été assassinés à Auschwitz, souhaitent perpétuer la mémoire familiale. Au-delà de l’histoire personnelle, c’est un pan de l’histoire nationale, marqué par les persécutions antisémites, qui est ainsi mis en lumière.
Il s’agit d’un appel à ne jamais oublier, un engagement à transmettre la mémoire et un constant rappel à l’action.
– Laurence Des Cars, présidente-directrice du Louvre
Une exposition pour ne pas oublier
Les deux natures mortes sont désormais exposées au Louvre, accompagnées de documents retraçant l’histoire de la famille Javal. Cette exposition est un témoignage précieux, rendant hommage aux victimes des spoliations nazies et rappelant l’importance du devoir de mémoire.
Sur les 100 000 œuvres d’art spoliées en France pendant l’Occupation, 15 000 sont encore conservées sous le statut MNR, en attente de restitution. Le Louvre en a la responsabilité de 1610, dont 791 tableaux. Chaque restitution est une pierre de plus à l’édifice de la mémoire et de la reconnaissance des crimes nazis.