Au cœur du ciel balte, un ballet aérien se joue régulièrement entre les forces de l’Otan et les avions russes. Loin d’être anodines, ces interceptions visent à observer les appareils russes et surtout à les empêcher de violer l’espace aérien des pays de l’Alliance atlantique. Près de trois ans après le début de la guerre en Ukraine, ces opérations se déroulent dans un climat de tensions palpables, où le moindre faux pas pourrait dégénérer.
Une chorégraphie millimétrée pour intercepter les avions russes
Lorsqu’un avion russe est détecté, c’est toute une procédure qui se met en place. « Le contrôle va nous donner des caps et des attitudes à prendre pour être le plus discrets, venir le chercher et l’identifier au fur et à mesure », explique le commandant Mathieu, responsable du détachement français actuellement déployé sur la base de Siauliai en Lituanie dans le cadre de la police du ciel de l’Otan.
Deux chasseurs, en l’occurrence des Rafale, décollent systématiquement pour assurer la sauvegarde mutuelle en cas de comportement agressif de l’appareil intercepté. La première étape consiste à se positionner à environ un kilomètre derrière l’avion russe pour déterminer son type et sa configuration.
Un examen minutieux à distance de sécurité
Sur ordre du contrôle, les chasseurs se rapprochent ensuite à environ 300 mètres, en décalage vertical, pour ausculter l’appareil sous toutes les coutures : armement, pods de reconnaissance, marquages, etc. Tout est passé au crible, mais toujours à distance respectable. « On ne s’approchera pas à moins de 100 mètres de l’avion pour éviter qu’il ne se sente en danger », précise le commandant Mathieu. « On gravite autour, passant à gauche, à droite, en dessous et au-dessus. »
Au-delà de l’inspection visuelle, les pilotes de l’Otan peuvent aller jusqu’à interroger leurs homologues russes par radio. Le moindre écart par rapport au plan de vol déclaré est considéré comme un élément suspect qui renforce la vigilance des chasseurs occidentaux.
Éviter à tout prix l’escalade
Malgré les tensions, l’objectif principal reste d’éviter un engrenage fatal. « Si, quand on est en phase finale et on voit l’appareil venir vers nous, on va éviter l’interception et on va partir », souligne le commandant Mathieu. « Dans le cadre de la police du ciel de l’Otan, tout ce que l’on veut, c’est éviter une escalade ».
Pour justifier le déclenchement d’une alerte, trois critères internationaux encadrent le trafic aérien : être en contact radio avec le contrôle civil, déposer un plan de vol et émettre un signal d’identification ami/ennemi. Tout manquement conduit l’Otan à faire décoller ses aéronefs d’alerte pour intercepter l’intrus potentiel.
Une mission cruciale pour rassurer les pays baltes
Aux yeux du commandant Mathieu, ces opérations « gagnent en importance » face à une Russie qui pourrait à tout moment « dévier » de l’attitude « professionnelle » adoptée jusqu’à présent. Au-delà de l’aspect sécuritaire, il s’agit aussi de réaffirmer la détermination de l’Otan à protéger ses membres les plus exposés géographiquement.
« On est là pour maintenir le statu quo dans cette région et rassurer les pays qui ont peur et n’ont pas du tout envie de revenir sous le régime de la Russie »
Un responsable militaire de l’Otan
Ainsi, sous le vernis de la routine se cache un jeu d’équilibriste permanent où la maîtrise des nerfs est essentielle. Car dans ce face-à-face tendu entre l’Otan et la Russie, le moindre dérapage pourrait servir de prétexte à une escalade aux conséquences imprévisibles. Un scénario que personne ne souhaite voir se concrétiser, mais que nul ne peut totalement écarter dans un contexte international aussi volatile.