Dans les rues chics de Moscou, les enseignes dorées des marques de luxe occidentales scintillent toujours, comme si de rien n’était. Pourtant, voilà presque trois ans que la Russie a lancé son offensive contre l’Ukraine, déclenchant une pluie de sanctions internationales. Chanel, Hermès, LVMH, Kering… Nombreux sont les groupes prestigieux ayant annoncé leur départ du marché russe en 2022, question d’image. Mais dans les faits, la réalité est tout autre.
Une clientèle aisée qui ne manque de rien
Malgré l’absence de certaines griffes comme Dior, les boutiques de luxe du centre de Moscou ne désemplissent pas. Voitures de sport rutilantes, bijoux étincelants, tenues raffinées… Les produits stars de l’Occident s’affichent fièrement en vitrine, pour le plus grand bonheur d’une clientèle russe fortunée.
Je m’en fiche des marques qui sont parties. Ils pensaient nous isoler ? C’est ridicule.
– Sergueï, élégant retraité moscovite de 61 ans
Dans les allées du légendaire centre commercial Goum, à deux pas du Kremlin, difficile de croire que la Russie est sous le coup de lourdes sanctions économiques. Brunello Cucinelli, Isaia, Burberry… Les adresses ne manquent pas pour s’offrir un peu de ce luxe venu d’ailleurs, quitte à y mettre le prix.
Un système D bien rodé
Si officiellement, de nombreuses enseignes ont tiré le rideau, leurs produits trouvent toujours le chemin des garde-robes moscovites. Comment est-ce possible ? Grâce à des intermédiaires ingénieux, les fameux « buyers ». Héritiers des années 1990 post-soviétiques, ces acheteurs professionnels sillonnent l’Europe pour ramener sur commande les pièces de luxe tant convoitées.
- Contrats avec de grandes boutiques à l’étranger
- Voyages shopping à Milan, Paris, Londres…
- Commandes sur mesure : vêtements, accessoires, meubles, joaillerie…
Selon des sources proches du milieu, ce système bien huilé arrange tout le monde. En sous-main, les marques de luxe continuent ainsi de vendre aux riches clients russes, tout en affichant une image politiquement correcte. Une hypocrisie dénoncée par certains.
Dubaï, nouvel eldorado du luxe russe
Depuis 2022, les Émirats arabes unis sont devenus la destination privilégiée des Russes aisés pour leurs emplettes haut de gamme. Les ventes de produits de luxe y auraient explosé, profitant de l’afflux de cette clientèle en quête de pièces d’exception.
Le Kazakhstan et la Turquie attirent aussi ces « shopping trips » de prestige, grâce à leurs nombreuses liaisons aériennes avec Moscou. Un palliatif bienvenu pour contourner les restrictions liées au conflit ukrainien.
Le luxe, au-dessus des lois ?
Malgré les apparences, difficile d’imaginer un véritable retour des marques occidentales en Russie tant que le conflit perdurera. Mais en coulisses, beaucoup semblent déterminées à ne pas se couper de cette manne financière colossale que représentent les élites russes.
Entre effets d’annonce et réalité du terrain, le luxe navigue dans une zone grise où l’éthique plie souvent face aux intérêts économiques. Et à Moscou, malgré les sanctions, la ronde des « buyers » et des clients VIP ne semble pas près de s’arrêter. Preuve que dans l’univers très select des produits d’exception, l’argent reste le maître mot.
