C’est avec un mélange de soulagement et d’amertume que Mickaëlle Paty, sœur du professeur Samuel Paty assassiné en octobre 2020, a quitté précipitamment la salle d’audience du tribunal de Paris vendredi soir. Alors que de lourdes peines, allant jusqu’à 16 ans de réclusion, venaient d’être prononcées à l’encontre des accusés ayant joué un rôle dans ce drame, l’atmosphère déjà électrique s’est soudainement tendue.
« J’ai dû être exfiltrée de la salle d’audience au procès de l’assassinat de mon frère », confie Mickaëlle Paty dans un entretien exclusif. Un départ sous escorte policière qui l’a empêchée de s’exprimer devant les caméras comme il est d’usage à l’issue d’un procès.
Une hostilité palpable jusqu’au verdict
Tout au long des débats, les proches de Samuel Paty ont dû faire face à une hostilité verbale et physique de la part de certains soutiens des accusés. Une pression qui n’a fait que s’accentuer à l’annonce du verdict, bien plus sévère que les réquisitions du parquet.
Dès l’énoncé des peines, des cris et des invectives ont fusé dans la salle. J’ai senti une tension extrême monter, certains se sont levés brusquement. Les policiers m’ont alors prise en charge pour me faire sortir au plus vite.
Mickaëlle Paty
Jusqu’à 16 ans de réclusion criminelle
Vendredi soir, après trois semaines d’une audience éprouvante, la cour d’assises spéciale de Paris a rendu son verdict. Les peines prononcées se sont révélées plus lourdes que celles réclamées par l’accusation :
- 13 et 15 ans de réclusion pour Brahim Chnina et Abdelhakim Sefrioui, accusés d’avoir lancé la campagne de haine contre le professeur
- 16 ans de réclusion pour deux amis du terroriste, Naïm Boudaoud et Azim Epsirkhanov, pour complicité
- Des peines de 4 à 8 ans de prison pour les autres accusés
La douleur des parties civiles
Durant leurs plaidoiries, les avocats des parties civiles avaient insisté sur les séquelles durables laissées par cet attentat, touchant aussi bien les proches que les enseignants et les policiers. Une souffrance ravivée tout au long du procès face à l’attitude de certains accusés.
Ce procès a été une épreuve supplémentaire, mais ce verdict est un premier pas vers une forme de reconstruction. Samuel ne nous sera jamais rendu, mais la justice a été rendue.
Mickaëlle Paty
De lourdes conséquences pour l’école
Au-delà du drame personnel vécu par la famille Paty, cet assassinat a profondément ébranlé l’école et les enseignants. Lors de son audition, Joëlle Alazard, présidente de l’Association des professeurs d’histoire-géographie, est revenue sur les conséquences :
Cet attentat a changé notre rapport au métier. La peur s’est installée, beaucoup s’autocensurent désormais par crainte des réactions. Mais nous ne devons pas renoncer à enseigner librement.
Joëlle Alazard, présidente de l’APHG
Le procès, révélateur du projet islamiste
Pour de nombreux observateurs, ce procès aura permis de mesurer l’ampleur du séparatisme islamiste, terreau de la violence terroriste. Un constat partagé par les proches de Samuel Paty, déterminés à poursuivre son combat.
A travers Samuel, c’est l’école, la liberté d’expression et la laïcité qui ont été attaquées. Face à la menace islamiste, nous devons, comme lui, rester debout et transmettre ces valeurs.
Mickaëlle Paty
Épilogue d’un drame, début d’un combat
Avec ce verdict, c’est un chapitre douloureux qui se clôt pour les parties civiles. Mais leur combat ne fait que commencer pour honorer la mémoire de Samuel Paty et défendre les principes de la République face à la haine et à l’obscurantisme. Un combat dans lequel Mickaëlle Paty s’engage pleinement :
Nous continuerons à nous battre pour que plus jamais un enseignant ne soit assassiné parce qu’il fait son métier. C’est le sens que je veux donner au sacrifice de mon frère.
Mickaëlle Paty
Un hommage vibrant et une promesse pour l’avenir, afin que la lumière de la connaissance et de la liberté continuent de briller par-delà les ténèbres de la haine et du fanatisme. Le combat de Samuel Paty est désormais celui de toute une nation.