Un vent de répression souffle sur la Turquie où la liberté de la presse est une nouvelle fois menacée. Neuf personnes, dont sept journalistes, ont été arrêtées ce week-end à Istanbul pour avoir participé à une manifestation en hommage à deux reporters turcs d’origine kurde tués en Syrie la semaine dernière. Une mobilisation pacifique qui a tourné au cauchemar.
Des journalistes arrêtés pour « propagande terroriste »
Samedi, une cinquantaine de personnes s’étaient rassemblées sur la place Sishane à Istanbul malgré l’interdiction des autorités. Leur objectif : rendre hommage à Nazim Dastan, 32 ans, et Cihan Bilgin, 29 ans, deux journalistes travaillant pour des médias kurdes, tués jeudi dans une frappe de drone près d’Alep en Syrie. Mais la police turque est rapidement intervenue, interpellant 59 manifestants.
Si 50 d’entre eux ont été relâchés, neuf personnes, dont sept journalistes, ont été déférées devant un juge pénal qui a ordonné leur arrestation pour « propagande terroriste », a indiqué dimanche la MLSA, une ONG turque de défense des droits des journalistes. Une accusation grave dans un pays où la liberté d’expression est de plus en plus muselée.
Tués dans une frappe de « drone turc »
Nazim Dastan et Cihan Bilgin couvraient les événements dans le nord de la Syrie lorsqu’ils ont été tués. Selon l’association des journalistes turcs Dicle Firat, leur voiture a été touchée par une explosion près du barrage de Techrine, à l’est d’Alep. L’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) affirme qu’un « drone turc les a directement visés, provoquant leur mort », une version corroborée par plusieurs médias kurdes.
Depuis la chute de Bachar al-Assad début décembre, la Turquie soutient une offensive de groupes armés contre les forces kurdes dans cette zone. D’après un responsable turc, entre 16 000 et 18 000 soldats turcs seraient déployés en Syrie, prêts à intervenir tant que les combattants kurdes ne déposeront pas les armes. Les journalistes se retrouvent pris entre deux feux dans ce conflit.
Des voix qui dérangent, réduites au silence
Ces arrestations interviennent dans un contexte de répression accrue contre les voix critiques en Turquie. Reporters, défenseurs des droits humains, opposants politiques : tous ceux qui osent s’exprimer librement risquent la prison. Le Syndicat des journalistes turcs a vivement condamné l’attaque contre leurs confrères, dénonçant un ciblage délibéré pour faire taire ceux qui tentent d’informer sur un conflit opaque et meurtrier.
En Turquie, être journaliste est devenu un crime. Mais nous continuerons à nous battre pour la vérité, quoi qu’il en coûte.
Un reporter turc souhaitant rester anonyme
Face à la dégradation de la situation, des voix s’élèvent pour réclamer la libération immédiate des journalistes arrêtés et une enquête indépendante sur la mort de Nazim Dastan et Cihan Bilgin. Mais dans une Turquie de plus en plus autoritaire, l’espoir d’obtenir vérité et justice semble bien mince. La liberté de la presse est en grand danger, et avec elle, le droit des citoyens à une information libre et plurielle, essentielle à toute démocratie.