TikTok, l’application chinoise au succès phénoménal, semble avoir atteint un point de bascule. Alors que la plateforme de mini-vidéos séduit plus d’un milliard d’utilisateurs actifs chaque mois, en particulier chez les adolescents, les controverses s’accumulent aux quatre coins du globe. Des capitales occidentales à l’Albanie en passant par l’Australie, gouvernements et autorités de régulation multiplient les offensives contre ce qu’ils perçoivent comme une menace grandissante.
L’Albanie bannit TikTok
Le Premier ministre albanais Edi Rama a annoncé en décembre 2024 la fermeture de TikTok pour au moins un an dans le pays. Qualifiant l’application de « voyou du quartier », il a justifié cette décision radicale après le meurtre d’un jeune près d’une école de Tirana, résultat d’un conflit né sur les réseaux sociaux. Cette suspension sans précédent illustre les craintes croissantes liées à l’influence de TikTok sur les comportements des plus jeunes.
L’UE ouvre une enquête
En Roumanie, TikTok est soupçonné d’avoir orchestré une campagne d’influence illicite pour soutenir un candidat d’extrême droite arrivé en tête du premier tour de la présidentielle. La Commission européenne a annoncé l’ouverture d’une enquête qui se penchera notamment sur les systèmes opaques de recommandation de TikTok et sa gestion des publicités politiques. Bruxelles brandit la menace de lourdes sanctions en cas d’infractions avérées au règlement sur les services numériques (DSA).
Ultimatum américain
Aux États-Unis, berceau de la Silicon Valley, les autorités exigent que ByteDance, maison-mère chinoise de TikTok, cède le contrôle de l’appli d’ici janvier 2025, sans quoi elle sera purement et simplement interdite. Washington accuse en effet la plateforme de permettre au gouvernement chinois de collecter indûment les données de millions d’Américains, ce que TikTok conteste.
Cette pression s’inscrit dans un contexte plus large de défiance envers les géants du web chinois. Outre le gouvernement fédéral, la Commission européenne et les autorités britanniques ont déjà interdit TikTok sur les appareils professionnels de leurs employés.
L’Australie veut protéger les ados
Le succès fulgurant de TikTok auprès des jeunes alarme aussi les autorités en Australie. L’application surpasse tous ses concurrents grâce à sa capacité quasi hypnotique à capter l’attention et à sa maîtrise des formats ultra-courts. Mais ses détracteurs dénoncent un algorithme opaque qui enferme les utilisateurs dans des silos et favorise la diffusion de désinformation ou de contenus problématiques.
Pour endiguer ces dérives, le Parlement australien a voté une loi interdisant purement et simplement les réseaux sociaux aux moins de 16 ans. Une décision inédite et particulièrement contraignante qui témoigne de l’ampleur des inquiétudes.
Menace pour l’ordre public ?
Au fil des pays, TikTok est aussi pointé du doigt pour son rôle dans certains événements violents. L’application a ainsi été suspendue temporairement en Nouvelle-Calédonie lors d’émeutes meurtrières, et accusée au Népal de perturber « l’harmonie sociale ». L’Inde, qui l’a bannie dès 2020 après des affrontements frontaliers avec la Chine, fait figure de précurseur.
Un succès qui interroge
Alors que TikTok continue de battre des records d’audience, ces polémiques en série jettent une lumière crue sur les défis posés par son succès foudroyant. Derrière l’application ludique et addictive se cachent des enjeux majeurs de régulation, de protection des données personnelles et de préservation de l’intégrité démocratique.
Face à la pression, TikTok s’efforce de rassurer en renforçant ses équipes de modération et en ouvrant des « centres de transparence ». Mais beaucoup doutent que ces mesures suffisent à endiguer les risques inhérents à un tel outil d’influence de masse détenu par une entreprise privée chinoise.
Pour les gouvernements et les régulateurs, le casse-tête ne fait que commencer. Comment encadrer efficacement un phénomène d’une telle ampleur sans entraver la liberté d’expression ni les innovations technologiques ? Une chose est sûre : le cas TikTok sera scruté de près et fera date dans la régulation des plateformes numériques à l’échelle mondiale.
