La transition politique au Tchad entre dans une phase critique alors que le général Mahamat Idriss Déby Itno, récemment élevé au rang de maréchal, s’apprête à briguer un mandat présidentiel lors d’élections prévues en décembre 2024. Sa rapide ascension, dans le sillage du décès brutal de son père Idriss Déby en avril 2021, soulève de nombreuses interrogations quant à l’avenir démocratique du pays.
Un héritage politique lourd à porter
Surnommé « Kaka », Mahamat Déby a dû relever le défi de succéder à son père, figure emblématique ayant régné d’une main de fer sur le Tchad pendant trois décennies. Ancien commandant de la garde présidentielle, le jeune général s’est retrouvé propulsé à la tête du Conseil militaire de transition, un organe contesté hors de tout cadre constitutionnel.
Malgré un soutien initial de la communauté internationale, en particulier de la France, des tensions sont rapidement apparues. La décision unilatérale de Mahamat Déby de rompre les accords militaires hérités de l’époque coloniale a marqué un tournant dans les relations franco-tchadiennes. Le retrait des forces françaises stationnées dans le pays témoigne de cette dégradation.
Une opposition muselée
Alors que les élections législatives et présidentielles approchent, l’opposition tchadienne dénonce un processus joué d’avance, destiné à « légaliser la fraude et la suspension des libertés publiques et politiques ». Les principaux partis ont décidé de boycotter le scrutin, estimant que les conditions d’un vote libre et transparent ne sont pas réunies.
Le régime de Mahamat Déby est régulièrement pointé du doigt par les organisations de défense des droits humains qui dénoncent la répression violente de toute forme de contestation. L’assassinat début 2024 de Yaya Dillo Djerou, cousin du président et principal rival politique, lors de l’assaut des forces de sécurité contre le siège de son parti, a cristallisé les tensions au sein même du clan familial au pouvoir.
Des alliances internationales en mutation
Sur la scène diplomatique, le Tchad de Mahamat Déby semble opérer un rééquilibrage de ses partenariats. Un récent prêt à taux préférentiel de 500 millions de dollars accordé par les Émirats arabes unis aurait servi, selon l’opposition, à financer un soutien logistique aux paramilitaires soudanais engagés dans un conflit meurtrier contre l’armée régulière à Khartoum.
Parallèlement, N’Djamena se rapproche de Moscou et de Budapest, semblant prendre ses distances avec ses alliés occidentaux traditionnels. Ces évolutions géostratégiques soulèvent des inquiétudes quant à la stabilité régionale et à l’engagement du Tchad en faveur de la résolution pacifique des crises qui secouent le Sahel.
Quel avenir pour la démocratie tchadienne ?
À l’aube de cette séquence électorale décisive, le Tchad apparaît plus que jamais à la croisée des chemins. Les aspirations démocratiques de la population se heurtent à la volonté du clan Déby de pérenniser son emprise sur le pays. La libération récente d’opposants, geste d’apaisement calculé, ne saurait faire oublier la dérive autoritaire du régime.
Le Tchad a besoin d’un véritable sursaut démocratique, d’un débat national inclusif pour tracer les contours d’un avenir apaisé et prospère.
Un diplomate occidental en poste à N’Djamena
Tant que l’opposition sera muselée et les libertés fondamentales bafouées, les élections à venir ne seront qu’une façade destinée à légitimer la mainmise de Mahamat Déby sur le pouvoir. Le risque est grand de voir le Tchad s’enfoncer dans un cycle de violences et d’instabilité, aux conséquences potentiellement dévastatrices pour l’ensemble de la région sahélienne.