Face à l’essor fulgurant de l’intelligence artificielle, l’Argentine envisage une solution audacieuse pour répondre à l’explosion de la demande énergétique : miser sur l’énergie nucléaire. C’est ce qu’a annoncé le président Javier Milei lors d’une allocution remarquée, provoquant une vague de réactions mitigées parmi les experts et l’opinion publique.
Un plan ambitieux pour une énergie « efficace et abondante »
Aux côtés de Rafael Grossi, directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), le chef de l’État argentin a plaidé en faveur de l’installation de nouveaux réacteurs nucléaires dans le pays. Selon lui, l’énergie atomique serait « la seule suffisamment efficace, abondante et rapidement évolutive » pour accompagner le développement de l’IA et la transformation digitale de la société.
Afin de concrétiser cette vision, le gouvernement prévoit dans un premier temps la construction d’un petit réacteur modulaire (SMR) sur le site d’Atucha, près de Buenos Aires. Ces réacteurs de nouvelle génération, plus compacts et simples à déployer que les centrales classiques, sont présentés comme une alternative d’avenir par leurs promoteurs.
L’Argentine, pionnière du nucléaire en Amérique latine
Rappelons que l’Argentine n’est pas novice en matière d’énergie atomique. Le pays exploite actuellement trois centrales nucléaires qui fournissent environ 9% de son électricité. Mais avec la multiplication des applications gourmandes en énergie liées à l’intelligence artificielle, les besoins risquent d’exploser dans les années à venir.
L’énergie nucléaire est la seule suffisamment efficace, abondante et rapidement évolutive pour faire face au développement de notre civilisation
– Javier Milei, président de l’Argentine
C’est pour anticiper cette nouvelle donne énergétique que le président Milei souhaite accélérer le développement du nucléaire dans son pays. Un pari audacieux salué par Rafael Grossi, qui y voit une démarche « prometteuse » susceptible d’inspirer d’autres nations confrontées au même défi.
Un projet qui divise la communauté scientifique
Cependant, cette annonce ne fait pas l’unanimité parmi les spécialistes argentins. Certains, à l’instar de l’ancienne présidente de la Commission nationale de l’énergie atomique (CNEA) Adriana Serquis, dénoncent une « énorme contradiction » dans la stratégie présidentielle.
Ils lui reprochent notamment de faire l’impasse sur le projet CAREM, un réacteur SMR 100% argentin déjà bien avancé et qui doit entrer en service en 2028. Selon eux, ce programme incarnait l’excellence technologique du pays avant d’être mis en sommeil par la nouvelle administration.
Coupes budgétaires et climat social tendu
Les détracteurs de Javier Milei pointent également du doigt les coupes sévères opérées dans les dépenses publiques depuis son arrivée au pouvoir fin 2023. Son « plan tronçonneuse », qui a supprimé plus de 30 000 postes dans la fonction publique, n’a pas épargné le secteur scientifique.
Dans ce contexte de rigueur budgétaire, le personnel de la CNEA a vu son pouvoir d’achat fondre de 30% en quelques mois. Une situation explosive qui fait craindre une fuite des cerveaux et fragilise la filière nucléaire argentine au moment même où le gouvernement affiche de grandes ambitions pour le secteur.
Quelle place pour le nucléaire à l’ère de l’IA ?
Au-delà du cas argentin, l’annonce de Javier Milei ravive le débat sur le rôle que pourrait jouer l’atome dans la révolution technologique en cours. Face à l’appétit dévorant de l’IA en matière de puissance de calcul et de stockage, de nombreux pays s’interrogent sur les moyens de répondre durablement à ces nouveaux besoins.
Avec le mode de production énergétique actuel, nous ne pourrons pas répondre à cette nouvelle demande de l’IA
– Javier Milei, président de l’Argentine
Si le nucléaire apparaît comme une option séduisante pour certains décideurs, son déploiement à grande échelle soulève encore de nombreuses questions. Coûts, sécurité, gestion des déchets… Autant de défis à relever pour faire de l’atome un allié fiable et responsable de la transition énergétique.
Une chose est sûre : le développement de l’IA promet de bousculer en profondeur nos modèles énergétiques dans les années à venir. Et l’Argentine, avec son pari nucléaire, pourrait bien être le laboratoire d’une transition aussi nécessaire que complexe.