Alors que la Birmanie sombre dans une spirale de violence depuis le coup d’État militaire de 2021, un développement majeur vient de se produire dans l’État de Rakhine, à l’ouest du pays. D’après des sources proches du conflit, le groupe rebelle ethnique de l’Armée d’Arakan (AA) aurait réussi à s’emparer d’un quartier général régional clé de l’armée birmane après des semaines d’intenses combats. Une prise qui marquerait un revers significatif pour la junte au pouvoir.
L’Armée d’Arakan prend le contrôle de la base d’Ann
Vendredi dernier, les forces rebelles de l’AA ont annoncé avoir « totalement pris » le contrôle de la base militaire d’Ann suite à une offensive de plusieurs semaines. Cette base stratégique fait partie des 14 quartiers généraux régionaux dont dispose la junte à travers le pays pour combattre les différents groupes insurgés. Si cette prise de contrôle se confirme, il s’agirait de la deuxième base perdue par l’armée birmane en l’espace de cinq mois, un coup dur pour le régime.
Pour appuyer ses dires, l’Armée d’Arakan a diffusé des photos sur les réseaux sociaux montrant notamment le commandant adjoint de la base détenu par ses combattants. Des images qui témoignent de l’âpreté des combats dans cette région déchirée par les conflits ethniques.
La fin d’un fragile cessez-le-feu
Depuis novembre 2023, les affrontements ont repris de plus belle dans l’État de Rakhine, l’un des plus pauvres de Birmanie. L’attaque lancée par l’AA contre les forces gouvernementales a mis fin à un cessez-le-feu précaire qui tenait depuis 2021. Aujourd’hui, de larges portions de ce territoire sont aux mains des rebelles, faisant craindre une aggravation de la crise humanitaire.
L’État de Rakhine est au bord d’une catastrophe sans précédent
– Alerte de l’ONU
Selon les Nations Unies, plus de deux millions d’habitants seraient menacés par la famine dans la région en raison de l’insécurité grandissante et des déplacements massifs de population. Une situation alarmante dans une zone qui abrite également d’importants projets portuaires soutenus par la Chine et l’Inde.
Un pays fragmenté depuis le putsch de 2021
Cette prise de contrôle par l’Armée d’Arakan n’est que le dernier épisode en date du conflit qui ravage la Birmanie depuis le coup d’État militaire de février 2021. Le putsch a plongé le pays dans le chaos, ravivant les combats entre l’armée et de multiples groupes rebelles ethniques qui luttent depuis des décennies pour plus d’autonomie et le contrôle des précieuses ressources naturelles comme le jade, le bois ou l’opium.
Face à la junte, ces groupes armés se sont alliés au sein des « Forces de défense du peuple », une coalition hétéroclite qui mène une guérilla de plus en plus intense contre le régime. Des affrontements qui ont déjà fait plus de 3 millions de déplacés internes selon l’ONU, jetant sur les routes des familles entières fuyant les violences.
Quel avenir pour la Birmanie ?
Dans ce contexte explosif, la prise de la base d’Ann par les rebelles constitue un nouveau coup dur pour la junte birmane, déjà fragilisée et de plus en plus contestée. Mais au-delà de l’aspect militaire, c’est tout l’équilibre géopolitique de la région qui pourrait être chamboulé par ce regain de tension.
Car la Birmanie, de par sa position stratégique, est un acteur clé en Asie du Sud-Est, courtisée à la fois par la Chine et les puissances occidentales. L’instabilité chronique qui mine le pays risque d’avoir des répercussions bien au-delà de ses frontières, menaçant la stabilité et le développement économique de toute la zone.
Face à cette situation explosive, la communauté internationale semble pour l’instant impuissante. Les sanctions et condamnations n’ont eu que peu d’effet sur la junte, qui maintient une répression sanglante contre toute forme d’opposition. Et malgré les appels au dialogue, aucune issue politique ne se dessine à court terme.
Pour les millions de Birmans pris entre les feux des militaires et des groupes rebelles, l’avenir s’annonce plus sombre et incertain que jamais. Dans ce pays meurtri, c’est toute une population qui se retrouve otage d’un conflit qui la dépasse et dont on ne voit pas la fin. Une tragédie humaine qui se joue loin des projecteurs, mais qui ne doit pas être oubliée.