C’est un épisode de plus dans la guerre commerciale qui oppose les États-Unis et le Mexique autour du maïs génétiquement modifié. Vendredi, les autorités américaines ont annoncé une victoire importante dans ce dossier sensible qui empoisonne les relations entre les deux pays. Un groupe spécial, constitué dans le cadre de l’Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC), a en effet donné raison à Washington sur l’ensemble des points de contentieux.
Le Mexique épinglé sur les restrictions au maïs OGM
Depuis le début de l’année 2024, le Mexique a mis en place des mesures drastiques visant à interdire les importations de maïs transgénique ainsi que l’utilisation du très controversé herbicide glyphosate sur son territoire. Des décisions qui ont provoqué l’ire des Américains, alors que le Mexique est le second acheteur mondial de maïs jaune, dont il importe de grandes quantités depuis les champs américains où les variétés OGM sont ultra-majoritaires.
Selon le Représentant américain au commerce (USTR), les sept demandes déposées par les États-Unis ont toutes été retenues par le groupe spécial de l’AEUMC. Celui-ci a jugé que les mesures mexicaines n’étaient « pas basées sur les connaissances scientifiques » et remettaient en cause les engagements en matière d’accès au marché pris par Mexico dans le cadre de l’accord de libre-échange nord-américain.
« La décision du groupe réaffirme les inquiétudes des États-Unis qui estimaient que les mesures prises par le Mexique avaient un impact négatif pour les exportations agricoles américaines », s’est félicitée Katherine Tai, à la tête de l’USTR.
Le Mexique campe sur ses positions
Malgré ce revers, les autorités mexicaines ne semblent pas prêtes à faire machine arrière. Tout en disant « respecter la décision » de l’organe de règlement des différends, jugé « essentiel » au bon fonctionnement de l’AEUMC, le gouvernement a réaffirmé que les mesures contestées étaient « alignées avec les principes de protection de la santé publique et des droits des peuples indigènes », conformément à la législation nationale et aux traités internationaux.
Parmi les points les plus litigieux figure le décret du 13 février 2023 interdisant notamment l’utilisation de maïs OGM dans la fabrication des tortillas, ces galettes de maïs qui sont un aliment de base de la cuisine mexicaine. Une mesure inacceptable pour les Américains, qui avaient reçu le soutien du Canada estimant que « le Mexique ne respecte pas les obligations en matière d’études scientifiques et d’analyse des risques ».
L’ombre de Trump plane sur l’AEUMC
Au-delà de la question spécifique du maïs transgénique, ce différend jette une ombre sur l’avenir de l’AEUMC. Cet accord, entré en vigueur en 2020 en remplacement de l’ALENA, avait été âprement renégocié à l’initiative de Donald Trump. Le président républicain, qui s’apprête à retrouver le Bureau ovale en janvier prochain, n’a jamais caché son intention de le remettre en cause, accusant le Mexique et le Canada de profiter de leur accès au marché américain sans réciprocité suffisante.
Allant plus loin que la simple rhétorique, Trump a déjà annoncé son intention d’imposer des droits de douane pouvant aller jusqu’à 25% dès son retour aux affaires. De quoi laisser présager de nouvelles tensions commerciales en Amérique du Nord, avec le dossier du maïs OGM comme possible détonateur. Les prochains mois s’annoncent agités sur le front des échanges agricoles transatlantiques.
Selon une source proche du dossier, des discussions de haut niveau devraient avoir lieu dans les prochaines semaines entre représentants américains et mexicains pour tenter d’apaiser les tensions. Mais avec le retour annoncé de l’imprévisible Donald Trump à la Maison Blanche, difficile de prédire l’issue de ce bras de fer qui dépasse largement le cadre du simple commerce des céréales.
La question du maïs génétiquement modifié cristallise en effet des oppositions de fond entre deux visions de l’agriculture et de l’alimentation. D’un côté, le modèle américain reposant massivement sur les biotechnologies et tourné vers l’exportation. De l’autre, la volonté mexicaine de préserver son patrimoine agricole, ses variétés locales et la santé de ses consommateurs. Un choc de cultures qui semble parti pour durer.