Dans un contexte de bouleversements géopolitiques en Afrique, la France est en train de repenser sa présence militaire sur le continent. C’est ce qu’a annoncé le président Emmanuel Macron lors d’une visite à la base française de Djibouti, où il a partagé un dîner de Noël avec les 1500 soldats qui y sont stationnés. Cette base, la plus importante de France à l’étranger, est appelée à jouer un rôle clé dans la nouvelle stratégie française en Afrique.
Une base qui se réinvente en point de projection
Alors que la France a dû se retirer de plusieurs pays du Sahel ces dernières années, face à un sentiment anti-français grandissant, la base de Djibouti apparaît comme un point d’ancrage stable dans une région troublée. Située à un emplacement stratégique, à la sortie de la mer Rouge, elle permet de contribuer à la liberté de navigation dans cette zone où transite une grande partie du commerce mondial.
Mais au-delà de cet aspect, Emmanuel Macron a révélé que la base allait se transformer en un « point de projection pour certaines missions africaines ». Une réinvention rendue nécessaire par les changements profonds qui s’opèrent en Afrique, tant au niveau des opinions publiques que des gouvernements.
Un partenariat repensé avec les pays africains
Le président français a insisté sur la volonté de bâtir un « partenariat qui repose sur des partenaires respectés », auxquels la France apportera son aide en termes de formation, d’équipement, de renseignement, pour des opérations spécifiques. Un changement de paradigme par rapport à la logique précédente de bases permanentes, jugée source d’ambiguïtés.
Notre rôle change en Afrique parce que le monde change en Afrique, parce que les opinions publiques changent, parce que les gouvernements changent.
Emmanuel Macron
Un repositionnement dans un contexte tendu
Ce virage stratégique intervient alors que la France a dû quitter précipitamment le Mali, le Burkina Faso et le Niger en 2022-2023, après l’arrivée au pouvoir de juntes militaires pro-russes dans ces pays. Le Tchad et le Sénégal ont aussi demandé le départ des forces françaises, confirmant une réorganisation globale du dispositif français en Afrique, sur fond de progression de l’influence de Moscou.
Dans ce contexte, la base de Djibouti fait figure d’exception, étant la seule à ne pas être concernée par la réduction de voilure prévue. Au contraire, elle s’impose comme un hub essentiel pour la projection de forces françaises en Afrique, en cas de besoin.
Un engagement renouvelé entre Paris et Djibouti
Cette annonce consacre aussi les bonnes relations entre la France et Djibouti, concrétisées en juillet dernier par le renouvellement de leur traité de coopération en matière de défense. Un accord qui prévoit notamment le maintien de la base française, moyennant un loyer qui a fait l’objet d’âpres négociations, ainsi que la protection de l’espace aérien djiboutien par l’armée française.
Djibouti s’affirme ainsi comme un îlot de stabilité dans une région sous tensions, à la croisée des enjeux sécuritaires et économiques entre l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie. Un positionnement dont entend bien profiter la France pour peser dans le jeu géopolitique régional, tout en redéfinissant son rôle vis-à-vis du continent africain.
Une nouvelle page pour la présence française en Afrique ?
Si les contours exacts de cette base réinventée restent à préciser, elle témoigne d’une volonté française de s’adapter aux réalités changeantes du continent africain. Fini le temps des implantations massives et permanentes, place à une approche plus souple et ciblée, en soutien à des partenaires locaux.
Un pari risqué, alors que l’influence française en Afrique n’a jamais semblé aussi fragilisée. Mais peut-être aussi un pari nécessaire pour renouer le dialogue avec des opinions publiques et des dirigeants africains en quête d’une relation plus équilibrée avec l’ancienne puissance coloniale. L’avenir dira si cette nouvelle page de la présence française en Afrique, qui s’écrit à Djibouti, sera celle d’un réel renouveau ou d’un lent déclin.