Le destin mouvementé d’Hervé Falciani, lanceur d’alerte franco-italien et figure emblématique des SwissLeaks, a connu un nouveau rebondissement au début du mois de décembre. Cet ancien informaticien de la banque HSBC, qui avait révélé au monde l’ampleur de l’évasion fiscale pratiquée par de richissimes clients, a été interpellé le 7 décembre dernier dans un hôtel de Milan, en Italie, avant d’être brièvement incarcéré.
Son arrestation faisait suite à un mandat d’arrêt international émis par la Suisse, pays où Hervé Falciani avait été condamné en 2015 à 5 ans de prison pour espionnage économique. Son tort ? Avoir transmis dès 2009 à plusieurs administrations fiscales européennes des documents confidentiels dérobés dans les serveurs de la filiale suisse d’HSBC, prouvant l’existence de milliers de comptes non déclarés appartenant à des évadés fiscaux.
Un bref séjour en prison avant une remise en liberté
Placé en détention provisoire suite à son interpellation, Hervé Falciani a finalement été remis en liberté le 17 décembre, soit 10 jours après son arrestation, à en croire le communiqué de ses avocats français et italien, Maîtres William Bourdon et Giorgio Bertolotti. Initialement assigné à résidence, il a recouvré dès le lendemain l’intégralité de ses droits de mouvement, et ce sur décision du ministère italien de la Justice.
Une issue positive pour celui qui, par son action, a permis aux fiscs de plusieurs pays européens, dont la France, l’Espagne et la Belgique, de récupérer des milliards d’euros d’impôts éludés et de réaliser l’ampleur de la fraude fiscale facilitée par certaines grandes banques. Des révélations fracassantes qui ont poussé la Suisse à abandonner définitivement son sacro-saint secret bancaire en 2017.
Les avocats d’Hervé Falciani dénoncent l’acharnement contre les lanceurs d’alerte
Pour les défenseurs d’Hervé Falciani, cette brève incarcération est symptomatique du sort réservé aux lanceurs d’alerte par certains États. Maîtres Bourdon et Bertolotti estiment qu’il est grand temps que les pays européens s’accordent pour cesser de donner suite aux mandats d’arrêt visant des citoyens ayant contribué, au prix de risques élevés, à dévoiler de graves atteintes à l’intérêt public.
Il n’est plus possible de répondre favorablement à des mandats d’arrêt délivrés contre des citoyens qui, au prix des risques souvent les plus élevés, ont contribué à révéler les plus graves atteintes à l’intérêt public, qu’il s’agisse de la biodiversité ou de la probité des grandes institutions privées ou publiques.
Maîtres William Bourdon et Giorgio Bertolotti, avocats d’Hervé Falciani
Ils font notamment référence au récent refus du Danemark d’extrader le militant écologiste Paul Watson, fondateur de Sea Shepherd. Un précédent qui devrait, selon eux, faire jurisprudence et inspirer d’autres États dans le traitement des personnes ayant sacrifié leur confort personnel pour défendre des causes d’intérêt général.
Les SwissLeaks, ou le jour où le secret bancaire suisse a explosé
Retour sur l’affaire qui a braqué les projecteurs sur l’évasion fiscale massive de clients fortunés. En 2009, cet informaticien franco-italien travaillant pour HSBC à Genève réalise un véritable casse en copiant les données confidentielles de quelque 130.000 comptes appartenant à des évadés fiscaux et totalisant plus de 180 milliards d’euros.
Des fichiers compromettants transmis dans un premier temps à l’administration fiscale française, qui n’exploitera que très partiellement ce trésor de données par crainte de se les voir invalidées en justice du fait de leur obtention illégale. En désespoir de cause, Falciani finira par les confier à plusieurs médias européens, qui révéleront le scandale des « SwissLeaks » en 2015.
L’onde de choc est planétaire et met sur la sellette la Suisse et sa tradition du secret bancaire, qui semble avoir longtemps protégé et même encouragé la dissimulation d’avoirs par une riche clientèle internationale désireuse d’échapper au fisc de son pays. Devant le tollé général, la confédération helvétique n’aura d’autre choix que de le sacrifier en 2017.
Falciani, de la traque au statut d’icône de la lutte contre l’évasion fiscale
Pendant ce temps, Hervé Falciani, sous le coup d’un mandat d’arrêt suisse, erre d’un pays à l’autre. Après la France, qui lui accorde sa protection, il trouve refuge un temps en Espagne, avant d’être arrêté une première fois en 2018. Madrid refusera finalement de l’extrader en raison de la dimension politique de son acte.
Collaborant avec différents médias et administrations fiscales à travers l’Europe, celui qui est devenu malgré lui le visage de la lutte contre l’évasion fiscale se sait en danger permanent. La récente tentative d’interpellation des autorités italiennes, à la demande de Berne, en est la preuve. Mais pas de quoi décourager Hervé Falciani qui, en dépit des menaces, semble déterminé à poursuivre son combat.
Face à la puissance des intérêts financiers et au poids des habitudes, la route est encore longue pour que la société prenne conscience de la valeur de l’engagement de ces sentinelles de la transparence que sont les lanceurs d’alerte. Mais des affaires comme les SwissLeaks et le courage d’hommes comme Hervé Falciani contribuent indéniablement à faire bouger les lignes, même si le prix à payer reste souvent très lourd pour ces vigies des temps modernes.