Dans la nuit du 29 novembre, une violente explosion a éventré le mur en béton du canal Ibar-Lepenac, une infrastructure vitale du Kosovo. Des milliers de litres d’eau se sont déversés, menaçant l’approvisionnement en eau et en électricité de dizaines de milliers d’habitants. Mais plus de trois semaines après cette attaque qualifiée de « terroriste » par le gouvernement, le mystère reste entier et les accusations politiques fleurissent.
Le Premier ministre kosovar accuse la Serbie, qui nie toute implication
Quelques heures seulement après l’explosion, le Premier ministre kosovar Albin Kurti a pointé du doigt la Serbie voisine, qui n’a jamais reconnu l’indépendance du Kosovo, son ancienne province. Selon lui, Belgrade tenterait de saboter les infrastructures kosovares à l’approche de l’hiver, en « copiant les méthodes russes ». Des accusations immédiatement rejetées par la Serbie.
Une attaque sur nos infrastructures par des Serbes qui voulaient laisser sans eau et sans électricité 70% des habitants du Kosovo (…) dans ce qui ressemble aux attaques russes en Ukraine.
Vjosa Osmani, Présidente du Kosovo
Des arrestations mais peu d’éléments tangibles
Si une dizaine de personnes, majoritairement serbes, ont été arrêtées dans les jours suivant l’attaque, la plupart ont été relâchées faute de preuves. Selon une source proche du dossier, les perquisitions n’auraient permis de saisir que des armes de chasse et des munitions, mais aucun explosif. Trois semaines après les faits, l’enquête semble stagner et aucune information concrète n’a été révélée.
Une attaque instrumentalisée à l’approche des élections ?
À quelques mois des élections législatives prévues le 9 février au Kosovo, beaucoup voient dans cet événement une opportunité de récupération politique des deux côtés de la frontière. Pour le président serbe Aleksandar Vucic, Albin Kurti chercherait à accuser les Serbes sans preuve pour peser sur le scrutin.
Le régime de Kurti va accuser les Serbes, sans aucune preuve, d’avoir saboté le canal d’Ibar-Lepenac.
Aleksandar Vucic, Président de la Serbie
Mais certains craignent que la mise en lumière de nouveaux éléments puisse conduire à de nouvelles attaques dans cette zone où la situation sécuritaire reste très précaire. En septembre 2023, de violents affrontements avaient déjà éclaté entre un groupe armé serbe et la police kosovare, faisant un mort.
Le Kosovo face à ses démons communautaires
Plus de 20 ans après la guerre qui a opposé forces serbes et guérilla indépendantiste kosovare albanaise, le nord du Kosovo reste une poudrière. La minorité serbe, concentrée dans cette région, rejette toujours l’autorité de Pristina et bénéficie du soutien de Belgrade. Chaque incident ravive le spectre des affrontements intercommunautaires.
Dans ce contexte, l’attaque du canal Ibar-Lepenac apparaît comme un nouveau défi pour la fragile stabilité du Kosovo. Au-delà des dommages matériels, c’est la cohésion même du pays qui est mise à l’épreuve. Les prochaines semaines, avec la perspective des élections, s’annoncent décisives pour dénouer cette énigme et apaiser les tensions. Le Kosovo parviendra-t-il à surmonter ses fractures ou va-t-il une nouvelle fois sombrer dans le piège des hostilités ethniques ?