Alors que le pays traverse une période de fortes tensions sociales, le premier ministre François Bayrou vient de lancer une véritable bombe politique en se disant prêt à rouvrir le dossier explosif de la réforme des retraites. Une initiative à hauts risques qui pourrait bien mettre le feu aux poudres.
Bayrou prêt à remettre l’âge pivot sur la table
Invité sur France 2 jeudi soir, François Bayrou a créé la surprise en affirmant être disposé à « reprendre sans suspendre » la réforme des retraites, ajoutant même qu’il était prêt à rediscuter de toutes les options, « y compris les 64 ans ». Un véritable pavé dans la mare alors que le sujet avait été mis sous cloche après avoir déclenché une vague de protestations massives fin 2023.
Si le premier ministre assure qu’il ne compte pas pour autant « suspendre » la réforme, difficile de ne pas y voir une remise en cause implicite du compromis trouvé dans la douleur il y a quelques mois à peine. François Bayrou semble ainsi vouloir profiter de son état de grâce post-nomination pour tenter de déverrouiller ce dossier miné.
Une réforme incontournable mais explosive
Malgré la très forte impopularité du report de l’âge de départ, l’exécutif n’a jamais vraiment renoncé à cette mesure jugée indispensable pour équilibrer le système de retraites. D’après des sources gouvernementales, repousser l’âge légal de 62 à 64 ans permettrait ainsi d’économiser près de 10 milliards d’euros par an à l’horizon 2030.
Une manne financière difficile à ignorer dans un contexte de déficits records. Mais le premier ministre est conscient de marcher sur des œufs. « Il faut éviter de jeter de l’huile sur le feu », confiait récemment un proche du chef du gouvernement.
La méthode Bayrou à l’épreuve du réel
Pour tenter de déminer le terrain, François Bayrou veut miser sur sa méthode: le dialogue. Il prévoit ainsi de recevoir très prochainement les partenaires sociaux pour « reprendre les discussions de manière apaisée et constructive ». L’objectif: trouver des pistes alternatives pour garantir la pérennité du système sans passer en force sur l’âge pivot.
Mais les marges de manœuvre s’annoncent étroites. Les syndicats ont d’ores et déjà prévenu qu’ils n’accepteraient aucun recul sur ce point et brandissent à nouveau la menace d’une mobilisation massive en cas de passage en force. Le patronat, de son côté, s’impatiente et réclame des décisions rapides pour donner de la visibilité aux entreprises.
On ne peut pas rejouer le même film en espérant une fin différente. Si le gouvernement persiste sur la voie du 64 ans, il va droit dans le mur.
Un leader syndical
Un pari très risqué pour Bayrou
En rouvrant ce dossier inflammable, François Bayrou prend le risque de dynamiter le fragile climat social et de voir sa popularité s’effondrer aussi vite qu’elle s’est envolée. Beaucoup doutent de sa capacité à trouver une voie médiane sur un sujet aussi clivant et dans un calendrier aussi serré.
Si le premier ministre échoue à faire bouger les lignes, il pourrait bien se retrouver pris en étau entre une opinion publique remontée et une majorité présidentielle pressée d’en découdre. Un scénario périlleux pour celui qui rêve de s’imposer dans la durée à Matignon.
Les prochaines semaines s’annoncent donc décisives pour François Bayrou. S’il parvient à dénouer le nœud gordien des retraites sans déclencher une nouvelle explosion sociale, il aura fait la démonstration de son habileté politique. Mais en cas d’échec, c’est toute sa stratégie qui risque de voler en éclats, laissant présager de nouvelles turbulences pour le quinquennat d’Emmanuel Macron.
Les autres pistes à l’étude
Si le recul de l’âge légal cristallise les tensions, d’autres options sont sur la table pour tenter de rééquilibrer le système :
- Accélérer la réforme Touraine qui prévoit un allongement progressif de la durée de cotisation
- Augmenter modérément les cotisations patronales et/ou salariales
- Revoir certains régimes spéciaux et avantages familiaux
- Inciter les seniors à travailler plus longtemps sur la base du volontariat
Mais aucune de ces pistes ne fait pour l’instant consensus. Et le temps presse car le gouvernement s’est engagé à boucler la réforme avant la fin de l’année. François Bayrou joue donc une partie d’échecs à plusieurs bandes qui s’annonce des plus périlleuses. La capacité du nouveau premier ministre à déployer ses talents de négociateur et de rassembleur sera plus que jamais mise à l’épreuve dans les semaines à venir.
Une chose est sûre : en rouvrant la boîte de Pandore des retraites, François Bayrou vient de se lancer dans une mission à haut risque dont l’issue est plus qu’incertaine. Le Premier ministre parviendra-t-il à déjouer les pronostics en arrachant un compromis inespéré ? Ou va-t-il au contraire se brûler les ailes en relançant un conflit social majeur ? Réponse dans les prochaines semaines, qui s’annoncent pour le moins agitées sur le front social et politique.