Face à l’ampleur de la catastrophe provoquée par le passage du cyclone Chido sur l’île de Mayotte, le président Emmanuel Macron s’est rendu sur place ce jeudi pour constater les dégâts et annoncer un vaste plan de reconstruction. Devant une population meurtrie et des élus locaux remontés, le chef de l’État a promis des mesures d’urgence mais aussi des réformes de fond pour rebâtir durablement ce territoire français de l’océan Indien, tout en s’attaquant à l’épineuse question de l’immigration clandestine.
Un lourd bilan et une reconstruction titanesque
Selon un bilan encore provisoire, le cyclone Chido qui a balayé Mayotte le 11 mai dernier a fait au moins 31 morts, 1400 blessés et des dégâts considérables. Mais les autorités craignent un nombre de victimes beaucoup plus élevé, de nombreuses zones étant encore inaccessibles. « On est face à des charniers à ciel ouvert. Il n’y a pas de sauveteurs. Personne n’est venu récupérer les corps ensevelis », a dénoncé la députée Estelle Youssouffa auprès du président lors de sa visite à l’hôpital de Mamoudzou, la capitale.
Emmanuel Macron a reconnu qu’il était « vraisemblable qu’il y ait beaucoup plus de victimes » que le bilan officiel. Le cyclone a en effet pulvérisé les habitations précaires des bidonvilles où s’entasse un tiers de la population mahoraise, soit plus de 100 000 personnes, pour beaucoup en situation irrégulière. « L’objectif est de mettre fin aux bidonvilles et supprimer les habitats qui sont à la fois indignes et dangereux », a déclaré le président.
Pour mener à bien ce chantier titanesque de reconstruction, Emmanuel Macron a annoncé une « loi spéciale » permettant d’accélérer les délais, « déroger aux règles » et faciliter les chantiers, à l’instar de ce qui a été fait pour organiser les Jeux olympiques et reconstruire Notre-Dame de Paris. « On a été capables de rebâtir notre cathédrale en cinq ans. Ce serait quand même un drame qu’on n’arrive pas à rebâtir Mayotte », a-t-il lancé.
Rétablir eau, électricité, téléphone : la course contre la montre
Mais avant de se projeter, il faut parer au plus pressé. Privés d’eau potable, de nourriture, d’électricité, de moyens de communication, les Mahorais ont supplié le président de leur apporter une aide immédiate. « Donnez des aides. Des solutions mais des solutions qui aboutissent », l’a imploré en larmes une employée de l’aéroport.
Emmanuel Macron a assuré que la « téléphonie sera rétablie dans les prochains jours », que les distributions d’eau et de nourriture atteindront « toutes les communes d’ici dimanche soir » et que « 50% de l’électricité sera rétablie d’ici à demain ». Il a cependant admis que pour les zones les plus isolées, il faudra « plusieurs semaines » avant un retour à la normale.
La sécurité renforcée face aux pillages
Autre urgence pointée par les habitants : la sécurité, menacée par des pillages et des risques de débordements. « Monsieur le président on a peur que ce soit Haïti ! », s’est alarmé un Mahorais, en référence aux émeutes qui ont récemment secoué l’île antillaise. Emmanuel Macron a promis le déploiement de « 1200 forces de sécurité intérieure dimanche ».
Immigration et droit du sol : les sujets qui fâchent
Le président a également abordé la sensible question de l’immigration, estimant que la « pression migratoire » a aggravé les multiples crises auxquelles est confronté l’archipel. Mayotte, terre d’immigration massive en provenance des Comores voisines, est engluée dans une pauvreté chronique.
Emmanuel Macron veut « renforcer la lutte contre l’immigration clandestine », en remettant sur le métier le droit du sol qui prévaut à Mayotte, et en augmentant drastiquement les reconduites à la frontière pour atteindre « 35 000 ou 40 000 par an contre 22 000 en 2023 ». Des annonces qui ne manqueront pas de faire réagir sur ce sujet ultrasensible.
Un marathon présidentiel sous haute tension
Initialement prévu pour quelques heures, le déplacement d’Emmanuel Macron à Mayotte s’est transformé en marathon jusqu’à vendredi, afin de prendre le pouls d’une population à bout et d’élus remontés. Aux larmes et à la détresse des habitants ont succédé des échanges tendus, à l’image de cette conseillère municipale qui a tancé le président : « J’ai pas envie de vous dire merci d’être là parce que c’est votre devoir ».
Oscillant entre fermeté et empathie, Emmanuel Macron a tenté de répondre aux multiples doléances et de projeter ce département meurtri vers la reconstruction. En décrétant une journée de deuil national lundi et en restant deux jours sur place, le président envoie un signal fort. Mais au-delà des promesses, les Mahorais attendent désormais des actes pour panser leurs plaies et se relever. La tâche s’annonce immense.
Les défis d’une île oubliée
On ne fait pas de l’humanitaire, on n’est pas en Palestine
Houdjati Hairati, conseillère municipale de Mayotte
Au-delà de la crise actuelle, la sortie choc de cette élue traduit le sentiment d’abandon et de relégation qui ronge Mayotte, département le plus pauvre de France malgré son statut. Infrastructures défaillantes, services publics débordés, explosion démographique, immigration incontrôlée, chômage endémique, insécurité… Les maux sont profonds et anciens sur cette île de l’océan Indien oubliée de la République.
Le cyclone Chido, d’une violence inouïe, a agi comme un révélateur de cette situation explosive. En anéantissant un tiers des habitations, souvent insalubres, la catastrophe a jeté une lumière crue sur un territoire au bord de l’implosion. Les dégâts matériels se chiffrent en centaines de millions d’euros, mais c’est aussi tout un tissu économique et social qui menace de se déchirer.
Pour éviter ce scénario du pire, Emmanuel Macron a promis un électrochoc et des moyens à la hauteur des enjeux. Outre la reconstruction physique, c’est un véritable plan Marshall qu’il faudra déployer pour sortir Mayotte de l’ornière et redonner espoir à une jeunesse désœuvrée. Régler la question du droit du sol et de l’immigration, désengorger un système scolaire et sanitaire saturé, dynamiser l’économie et l’emploi… Les chantiers sont vastes et les attentes immenses.
Mayotte est à la croisée des chemins. Soit le cyclone Chido sera l’élément déclencheur d’un vaste plan de développement et de rattrapage, permettant à l’île de sortir la tête de l’eau et de s’ancrer durablement dans la République. Soit les promesses resteront lettre morte et le désespoir finira de gagner ce confetti de France balloté aux confins de l’océan Indien. L’avenir de Mayotte est entre les mains du président Macron. Les Mahorais, eux, ont déjà trop attendu.