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Le Yen Chute Face à La Prudence de La Banque du Japon

Le yen a dégringolé à son plus bas niveau depuis juillet suite au statu quo de la Banque du Japon. Les cambistes anticipent une divergence croissante entre la BoJ et les autres grandes banques centrales. Jusqu'où la chute du yen ira-t-elle ?

Le yen japonais a subi une dégringolade spectaculaire ce jeudi, atteignant son plus bas niveau depuis 5 mois face au dollar américain. Cette chute brutale intervient dans le sillage de la décision très attendue de la Banque du Japon (BoJ) de maintenir inchangée sa politique monétaire ultra-accommodante, à rebours des autres grandes banques centrales.

La BoJ campe sur ses positions malgré les pressions

Fidèle à sa réputation de « colombe » parmi les banquiers centraux, la BoJ a décidé de conserver son taux directeur à un plancher de -0,1%, ainsi que sa politique de contrôle de la courbe des taux. Une décision qui contraste fortement avec les tours de vis monétaires opérés par la Fed, la BCE ou encore la Banque d’Angleterre pour juguler l’inflation galopante.

Le gouverneur de la BoJ, Haruhiko Kuroda, a justifié cette prudence par la fragilité de la reprise économique nippone et la faiblesse persistante de l’inflation sous-jacente. Il estime qu’un resserrement prématuré risquerait d’étouffer dans l’œuf les timides prémices de hausse des salaires constatés ces derniers mois.

Le grand écart des politiques monétaires

Cette divergence croissante entre la BoJ et ses homologues occidentales explique largement la glissade du yen, qui a perdu plus de 20% face au billet vert depuis le début de l’année. Un affaiblissement qui profite certes aux exportateurs nippons mais grève le pouvoir d’achat des ménages en renchérissant le coût des importations, notamment énergétiques.

De nombreux économistes jugent intenable à terme le positionnement de la BoJ et prédisent un revirement dans le courant de l’année 2023, une fois que la hausse des prix à la consommation se sera diffusée à l’ensemble de l’économie. D’ici là, la devise nippone pourrait encore perdre du terrain, à moins d’une intervention surprise des autorités sur le marché des changes.

Un yen faible, aubaine ou menace pour l’économie ?

Si une monnaie bon marché dope traditionnellement la compétitivité-prix des entreprises exportatrices, elle a aussi ses revers. Les importations deviennent plus onéreuses, ce qui peut peser sur les coûts de production et la consommation des ménages. Un cercle vicieux susceptible d’annihiler les bénéfices initiaux d’un yen faible.

Le statu quo de la BoJ envoie un message ambigu aux marchés. D’un côté, il rassure sur le soutien continu à l’économie. Mais de l’autre, il nourrit les doutes sur la capacité à normaliser la politique monétaire et accentue les pressions baissières sur le yen.

Analyse un stratégiste de marché tokyoïte

Outre la dépréciation du yen, les cambistes s’interrogent aussi sur la soutenabilité de la politique de contrôle de la courbe des taux japonaise. En plafonnant coûte que coûte le rendement des emprunts d’État à 10 ans, la BoJ s’expose à des achats massifs d’obligations si les investisseurs exigent une rémunération plus élevée.

Quelle est la marge de manœuvre de la BoJ ?

Avec une dette publique colossale de près de 250% du PIB, le Japon n’a guère les moyens de laisser filer ses coûts de financement sous peine de mettre en péril la viabilité de ses finances publiques. Mais le corollaire de cette politique est un affaiblissement tendanciel du yen, qui risque de devenir difficilement gérable si l’écart de taux avec les États-Unis devient trop béant.

La BoJ marche ainsi sur une ligne de crête de plus en plus étroite. Si elle persiste trop longtemps dans sa politique expansionniste, elle risque d’aggraver les tensions inflationnistes importées et de précipiter une nouvelle dégringolade du yen. Mais si elle normalisait trop brutalement, elle pourrait casser la reprise et déstabiliser le marché obligataire.

Des réformes structurelles plus que jamais nécessaires

Pour sortir de cette ornière, le Japon ne peut plus se reposer uniquement sur les ressorts monétaires et budgétaires. Des réformes de fond sont indispensables pour doper la croissance potentielle, stimuler la productivité et encourager la hausse des salaires. Sans quoi, la troisième économie mondiale risque de s’enliser durablement dans la stagflation.

Reste à savoir si le gouvernement de Fumio Kishida aura le courage politique d’engager ces transformations, souvent douloureuses à court terme. L’avenir du yen et plus largement du modèle économique nippon en dépend. Les prochains mois s’annoncent décisifs pour l’archipel, qui joue gros dans cette partie de poker menteur avec les marchés.

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