Alors que l’Union européenne compte plus de 1,2 million de personnes sans domicile en 2023, un triste record, la Fondation Abbé Pierre met en lumière un phénomène alarmant : l’hostilité croissante et la criminalisation dont sont victimes ces personnes vulnérables à travers le continent. Un constat qui soulève des questions sur nos choix de société.
Une « criminalisation » aux multiples visages
Si les délits de mendicité et de vagabondage ont été abrogés dans de nombreux pays européens, la criminalisation des sans-abri n’a pas pour autant disparu, prenant des formes plus insidieuses. Selon le rapport de la Fondation, elle se manifeste notamment à travers des interdictions qui, en apparence, ne visent pas spécifiquement les sans-abri mais qui, dans les faits, leur sont appliquées de manière quasi-exclusive.
En France par exemple, certains arrêtés municipaux sanctionnent des comportements comme l’occupation prolongée de l’espace public, le camping sauvage, le bivouac ou encore la fouille de poubelles. Or, comme le souligne Noria Derdek, coordinatrice du rapport, les recours engagés contre ce type d’arrêtés montrent que dans la grande majorité des cas, aucun trouble ou incident grave ne justifie réellement l’intervention des forces de l’ordre.
Des stéréotypes tenaces
Pour la Fondation Abbé Pierre, ces mesures répressives s’appuient sur des stéréotypes profondément ancrés, représentant les personnes à la rue comme intrinsèquement violentes, grossières, sales, alcoolisées et enclines à enfreindre la loi. Des perceptions malheureusement relayées par de nombreux discours politiques à travers l’Europe, à l’image de celui du candidat aux municipales de Budapest en 2024, qui proposait de permettre aux citoyens de signaler à la police les sans-abri dégageant « une forte odeur » dans les transports.
La criminalisation n’est pas un choix de société concevable.
Noria Derdek, coordinatrice du rapport
Les personnes migrantes particulièrement ciblées
Le rapport met également en évidence le fait que les personnes racisées et migrantes sont particulièrement visées par ces pratiques violentes et discriminatoires. Face à cette situation préoccupante, Noria Derdek appelle à la « suppression pure et simple » des lois criminalisantes, estimant qu’elles ne constituent en aucun cas une réponse acceptable à la précarité.
L’éradication du sans-abrisme, un « choix politique »
Si une plateforme européenne a été créée en 2021 par la Commission européenne avec pour objectif d’éradiquer le sans-abrisme d’ici 2030, l’eurodéputée écologiste Marie Toussaint, présente lors de la présentation du rapport, regrette que l’UE n’ait pas encore de véritable stratégie de lutte contre ce fléau. Une première devrait toutefois voir le jour pendant la mandature en cours.
La misère est un choix politique et l’éradiquer l’est aussi.
Marie Toussaint, eurodéputée écologiste
À travers ce rapport alarmant, la Fondation Abbé Pierre nous invite à une profonde remise en question de notre rapport à la précarité et aux personnes sans-abri. Plutôt que de céder à la tentation de la criminalisation, il est urgent de construire une société plus inclusive et solidaire, où chacun puisse trouver sa place dans la dignité. Car comme le rappelle justement l’eurodéputée Marie Toussaint, « la misère est un choix politique et l’éradiquer l’est aussi ». À nous de faire le bon choix.